Isabelle Yacoubou : "La France, c’était le pays des rêves "
Isabelle Yacoubou est une joueuse de basket-ball qui évolue au poste de pivot au niveau international. Joueuse rapide et précise, elle a remporté avec l'équipe de France, en 2012, la médaille d'argent aux Jeux olympiques de Londres. Le maillot tricolore et ses tresses tricolores l'accompagnent depuis son arrivée en France à l'âge de 17 ans, alors qu'elle était accueillie par le club de Tarbes pour la former et par la suite, conquérir le titre de championne de France (2005). Depuis, elle n'a jamais cessé d'avancer et d'évoluer dans ce sport qui fait partie intégrante de sa vie.
Elle vient de publier un ouvrage : Géante - Les matchs de ma vie aux Éditions de l'Archipel. Une autobiographie qui retrace ses plus belles victoires, ses joies et ses peines.
franceinfo : C'est une de vos plus grandes peines qui ouvre ce livre. Il s'agit de la disparition de votre père en 2001, alors que vous n'aviez que 14 ans et lui 41. C'est le premier à avoir donné naissance à vos rêves, à avoir cru en vous. Est-ce que cette disparition a fait de vous une femme déterminée à en découdre sur le terrain comme dans la vie ?
Isabelle Yacoubou : Cela aura été mon moteur durant toute ma vie. J'y ai basé toute la force de mon caractère. Évidemment, ma mère me montre un exemple quotidien formidable de par sa ténacité, mais c'est vrai que l'envie, en tout cas de la petite fille, de faire plaisir et de rendre fier son père m'a mené, on va dire, partout.
Vous êtes née au Bénin et vous avez passé 17 ans de votre vie dans ce pays si cher à votre cœur. Au départ, vous étiez attirée par l'athlétisme, vous avez été championne de lancer de poids. L'athlétisme a été un point de départ ?
Bien sûr. Aujourd'hui, pour moi, c'est inconcevable de faire du sport de haut niveau sans passer par l'athlétisme. Et quand je vois des jeunes aujourd'hui qui font du basket et qui n'ont jamais rien fait d'autre, pour moi, c'est vraiment très incomplet. On n'apprend pas à courir, à trouver les appuis.
"Il y a tellement de choses que j'ai importées de l'athlétisme et qui ont enrichi ma carrière de basketteuse qu'inévitablement aujourd'hui, pour mes enfants, le sport numéro 1 est l'athlétisme."
Isabelle Yacoubouà franceinfo
Pendant que vous pratiquez l'athlétisme, un jour, il va y avoir un déclic, c'est le basket. Vous en faites avec vos amis et il y a un professeur d'EPS qui vous dit : "Il faut absolument que tu fasses ce sport-là, il est fait pour toi". À partir de ce moment-là, vous allez décider de continuer dans cette voie en devenant sportive professionnelle.
Absolument. Quand je dis ça, tout le monde me prend vraiment pour une folle, "Mais est-ce qu'elle voit où on vit ? Même le foot, qui est le sport roi n'est même pas professionnel au Bénin. Alors comment peut-elle penser y arriver ?" Et dernièrement, ma mère m'a raconté une anecdote dont je n'étais même pas au courant. Mon père lui disait : "Mais tu sais, Félicienne, tu vas devoir mettre ta carrière entre parenthèses parce que notre fille veut absolument faire du basket et je ne la laisse pas partir à l'étranger toute seule. Donc quand elle part, tu seras obligée de démissionner pour la suivre. Moi, je m'occuperai de son frère et de sa petite sœur et dans un deuxième temps, on vous rejoindra". C'est peut-être ça la force qui m'a permis de surmonter certaines blessures et certaines difficultés. Le fait qu'il croyait en cette petite fille qui n’avait vraiment aucune représentation finalement dans son environnement, mais qui avait ce rêve-là fou et qu'il était prêt à accompagner.
Vous allez donc prendre une grande décision, faire parvenir vos vidéos à une grande équipe puisqu'il faut que vous intégriez un milieu professionnel. Vous en envoyez une au club de Tarbes. C’est là-bas que vous allez remporter le championnat de France. C'est un moment magique pour vous ?
Absolument. Je pense qu'après les Jeux, c'est peut-être la victoire que j'ai le plus dans mes tripes. Parce qu'une équipe qui était partie de rien avec un changement de coach au bout du cursus, François Gomez qui arrive et qui décide de faire de moi son fer de lance. D'ailleurs, c'est le seul titre que le club de Tarbes a pu gagner en 40 ans d'existence, donc pour nous, c'était vraiment formidable comme issue.
François Gomez va vous transmettre une chose, c'est la confiance en vous. C'est grâce à lui que vous avez pris conscience que vous étiez capable de le faire, que vous étiez faite pour ça et qu'il fallait définitivement ne plus penser à arrêter.
Les grandes femmes, je parle de la taille physique, on a ce grand défaut de ne pas avoir confiance en nous. On n'est jamais assez bien, assez belles, on ne rentre pas dans les cases. Donc le travail que j'ai fait avec lui a été très significatif parce que lui m'a fait sentir que j'étais "assez", en fait ! À partir de ce jour-là, même de ma vie de femme, forcément, ça a changé la donne.
Quand vous allez jusqu'à ces Jeux olympiques de Londres, comment le vivez-vous ? C'est comme une médaille d'or pour vous, vous le dites dans cet ouvrage.
"On était en pleine confiance avec les filles de l'équipe de France et quand on se qualifie pour la finale des Jeux olympiques de Londres, on était déjà les championnes du monde même si on savait les Américaines intouchables."
Isabelle Yacoubouà franceinfo
Absolument. On sait que les filles des États-Unis sont intouchables et je pense, avec le recul, qu’on n'a même pas joué ce match parce que pour nous, le but était atteint. Il n'y a pas de mots pour décrire cette sensation.
Que représente la France pour vous ?
C'était le pays des rêves. C'est le pays auquel mon grand-père avait déjà donné de sa personne. Et moi, dans cette continuité, je ne reviens pas en portant des armes, mais quelque part en prenant aussi les armes pour défendre et pour porter les couleurs de cette nation au plus haut niveau, avec un métier complètement différent de celui de mon grand-père. Mais à la base, c'est vraiment un rêve.
Fière de la femme que vous êtes devenue ?
Ce n'est pas fini !
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