Henri-Jacques Citroën milite pour que son grand-père, l’industriel André Citroën, "qui a marqué son temps", entre au Panthéon

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 3 juin 2024 : le conseiller du Commerce Extérieur de la France et petit-fils du constructeur automobile André Citroën, Henri- Jacques Citroën. Avec un comité de soutien, il demande qu’André Citroën entre au Panthéon.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Henri-Jacques Citroën, arrière petits fils d'André Citroën au salon Auto Moto d'Aussonne, le 24 septembre 2021. (FREDERIC CHARMEUX / MAXPPP)

Henri-Jacques Citroën est, comme son nom l'indique, de la famille du célèbre ingénieur pionnier de l'industrie automobile, qui a fondé en 1919 l'Empire industriel automobile Citroën. Le petit-fils d'André Citroën œuvre aujourd'hui pour que son grand-père entre au Panthéon. Cela ferait de lui le premier industriel à y entrer et selon lui, c'est une suite logique.

Une pétition lancée par le comité de soutien André Citroën au Panthéon est actuellement en ligne.

franceinfo : Après le quai André Citroën qui a été créé où se trouvait l'usine Javel, les nombreux boulevards et aussi les nombreuses écoles, qu'est-ce qui vous a donné envie de vous battre pour qu'il rentre au Panthéon ?

Henri-Jacques Citroën : En 2019, j'ai vécu une année exceptionnelle parce que la société Citroën fêtait ses 100 ans. J'ai eu l'occasion d'aller à beaucoup de célébrations et de remarquer l'enthousiasme, l'engouement, mais surtout l'émotion des gens par rapport à André Citroën. Quand j'ai vu ça, je me suis dit qu'on était là face à un personnage qui a marqué son temps. En août 2021, quand j'ai appris que Joséphine Baker allait être panthéonisée, je me suis dit : c'était une amie de mon grand-père si elle y va, mon grand-père ira aussi.

Même si évidemment, il s'est fait connaître comme ingénieur automobile, il s'est d'abord fait connaître comme industriel et comme digne représentant et défenseur du personnel. C'est fondamental de le préciser.

C'est effectivement important. Vous avez une personne qui a été très proche de son personnel. Il a renforcé le rôle de la femme parce que quand il a créé l'usine d'obus pendant la Première Guerre mondiale, les trois quarts du personnel étaient des femmes. Pour qu'elles puissent travailler dans de bonnes conditions, il y avait une nurserie, une garderie, une prime d'accouchement ou encore une prime d'allaitement. On est en 1915, donc c'est un grand pas social. 

"Dans les années 30, André Citroën a mené une campagne publicitaire qui avait fait beaucoup de bruit à l'époque, dont le slogan était : ‘La femme moderne ne roule qu'en Citroën’. Vous vous adressez à une clientèle qui n'existe pas encore. C’est un sacré pari sur l'avenir."

Henri-Jacques Citroën

à franceinfo

Pour comprendre André Citroën, il faut mieux connaître son parcours de fils d'immigré, né en 1878 à Paris. Son père, juif néerlandais et diamantaire, s'est suicidé en se défenestrant alors qu'il n'avait que six ans, et sa mère, juive polonaise, est devenue une mère courage. Un mot déjà sur le nom Citroën. Votre arrière-arrière-arrière-grand-père était marchand d'agrumes néerlandais. Son nom Citroën signifie citron.

Le tréma est posé sur le "e" lors de l'inscription d'André Citroën au lycée, pour pouvoir faciliter la prononciation de Citroën. Mais effectivement, on est une famille d'immigrés, puisqu'André Citroën devient français à l'âge de 18 ans pour pouvoir entrer à Polytechnique. Pour en revenir à la partie polonaise, André Citroën se rend à l'âge de 20 ans en Pologne. On lui fait visiter une fonderie et dans un coin de la fonderie, il voit un engrenage qui a les dents qui ont la forme du chevron. Il demande ce que c'est. Et alors l'industriel lui répond : "C'est un truc qu'on vient d'inventer. On pense que pour la transmission de puissance, ça augmente l'efficacité. C'est plus silencieux", c'est toute une série d'avantages. Il trouve ça génial et il achète le brevet. La forme de ces dents, c'est ce qui a donné le logo à la société Citroën. Et d'ailleurs, entre parenthèses, c'est la première fois dans l'histoire économique qu'une entreprise choisit un symbole comme logo. À l’époque, les entreprises veulent utiliser leur nom avec une typographie qui variait et elles se faisaient connaître de cette manière.

Il va se rendre aux États-Unis et visiter l'usine Henry Ford. Il veut lui aussi démocratiser les biens de production industrielle fabriqués en série, donc à moindre coût de revient. Ça va être un énorme tournant pour lui.

Les gens ne savent pas qu'avant la Première Guerre mondiale, il était aussi directeur d'une petite société automobile qui s'appelait Mors, qui l'avait appelé pour la redresser. Avant d'accepter le poste, il se rend effectivement aux États-Unis pour voir un peu ce que les Américains faisaient, puisqu'ils étaient déjà connus comme étant très en avance dans l'organisation industrielle du travail. Et la guerre commence.

"André Citroën est envoyé dans les tranchées, comme tous les hommes valides et assez vite, il se rend compte que les Allemands envoyaient sur les lignes françaises beaucoup plus d'obus que le contraire. Il va proposer au ministre de la guerre la construction immédiate d'une usine d'obus."

Henri-Jacques Citroën

à franceinfo

À l'époque, il n'était pas du tout connu. En quatre mois, il commence la production. Ce qui est intéressant, c'est de voir que face à l'adversité qui le touche personnellement, puisqu’au début de la guerre, il perd son frère dans une tranchée, il réagit tout de suite. C'est un beau message dans le contexte actuel où on demande aux industriels de l'armement de mieux s'organiser, d'accroître les cadences.

Quand on vous voit à côté de votre grand-père, c'est déjà arrivé plusieurs fois, il ne manque plus que la moustache, mais la ressemblance est incroyable. Comment le vivez-vous ?

Ça me fait sourire, mais en même temps, ça me fait comprendre pourquoi les gens viennent vers moi. Ils ont vraiment l'impression d'être en contact avec mon grand-père. Quand quelqu'un pleure en me voyant, ce n'est pas moi, c'est parce que je suis l'émanation d'André Citroën, de quelqu'un qui, pour beaucoup, en tout cas ceux qui connaissent son histoire, est une icône.

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