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François Alu, premier danseur du Ballet de l'Opéra de Paris, seul sur scène avec "Complètement jetés" : "Il faut continuer à rêver en grand"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le premier danseur du Ballet de l’Opéra de Paris, François Alu. Seul en scène avec son spectacle "Complètement jetés" au Trianon à Paris et au Théâtre Femina à Bordeaux pour quelques dates en novembre.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
François Alu, le 21 juin 2018, à l'Opéra Garnier. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

François Alu est le premier danseur du Ballet de l'Opéra de Paris. Le grand public l'a découvert en tant que membre du jury de l'émission Danse avec les stars sur TF1. François Alu monte sur scène avec un nouveau spectacle, Complètement jetés, donné au Trianon à Paris le 14 novembre prochain et au Théâtre Fémina de Bordeaux, le 21 novembre.

franceinfo : Dans un ballet, vous êtes nombreux, alors que là, vous êtes seul en scène. Cela change la façon de danser ?

François Alu : Oui. C'est sûr que c'est un vrai enjeu parce que ça demande une concentration ultime. C'est une heure vingt de spectacle non-stop où je suis tout seul. Enfin, on est beaucoup dans ma tête, mais je suis tout seul sur scène. C'est un spectacle qu'on a co-créé avec Samuel Murez et c'est vrai que c'est un spectacle qui est extrêmement éprouvant. À la fois, je fais du classique, du contemporain, du hip hop, il y a même des allusions au baroque et en même temps, je fais quinze solos avec douze personnages complètement différents. Donc, c'est très éprouvant.

C'est important d'être à l'aise avec le fait d'agir plus avec son inconscient que son conscient.

François Alu

à franceinfo

Si je devais parler de la thématique, je dirais que cela parle de l'identité, d'être à l'aise avec le fait d'être plutôt un ensemble de paradoxes, d'envies, de hantises, plutôt qu'une personne qui est toujours alignée avec elle-même, cohérente. Pour arriver à ce stade-là, il faut briser le qu'en dira-t-on. C'est un peu ça, le propos du spectacle.

Quand on vous voit danser, on sent que la danse coule dans vos veines. C'est votre maman qui vous donne envie de rentrer dans un cours de danse, elle est elle-même professeure.

Cela a été forcé au tout début. Ma mère m'a dit : "Je te forcerai à prendre un cours de danse parce que je suis prof de danse. Il y a plein d'enfants qui rêveraient de ça, au moins viens essayer."

Petit, j'ai essayé la danse classique, ça a été un échec cuisant.

François Alu

à franceinfo

En revanche, après, parce qu'elle donnait des cours de classique, de contemporain et de modern'jazz, j'entendais la musique électro en bas. Je me suis dit, tiens, ça, c'est sympa, alors j'ai fait un peu de modern'jazz avec elle avant finalement de recevoir une cassette de ma grand- mère. C'était Patrick Dupond, le talent insolent, un documentaire extraordinaire sur lui et juste après, c'était très bien fait pour enrôler les jeunes, il y avait un documentaire sur l'école de danse de l'Opéra de Paris. C'est comme ça que j'ai commencé la danse.

À six ans, vous entrez dans la salle de classe de votre mère. À neuf ans et demi, vous découvrez votre passion grâce à Patrick Dupond. En 2004, à dix ans, vous rejoignez l'école de danse de l'Opéra national de Paris. Vous intégrez le corps de ballet en 2010, à 17 ans. Est-ce que vous avez eu le temps de vivre pour vous ?

Oui, tout à fait. Je pense que ce chemin était des moments de vie. J'ai fait des rencontres incroyables. On ne s'en rend pas compte finalement parce que quand on est jeune, on est dans un état de stress assez permanent. Entre la scolarité qui, pour moi, était un sujet assez compliqué, dont je parle dans le spectacle d'ailleurs, et la danse de façon assez intensive, on travaille cinq, six heures par jour... J'avais la passion de danser, donc c'était très focalisé.

Après que je sois rentré dans la compagnie, c'est pas que je dirais que je commence à vivre, mais les rencontres m'ont fait ouvrir des livres, m'ont fait découvrir différents profils psychologiques et ma curiosité, qui était déjà assez exacerbée à l'époque, a été décuplée à ce moment-là. Ça pousse à vivre encore plus intensément.

Vous avez été promu coryphée à l'issue de votre premier concours de promotion. Premier danseur en 2013 et premier danseur et premier grand rôle à l'Opéra de Bastille. On aurait pu imaginer que vous alliez devenir danseur étoile. Où en êtes-vous aujourd'hui ?

Devenir danseur étoile, c'est beaucoup de choses.

François Alu

à franceinfo

Ce n'est pas simplement bien danser. C'est aussi être capable, dans une institution, de comprendre les codes de comment ça se passe, de se plier aux règles. Ce qui était difficile pour moi, c'est que j'ai réellement, mais encore une fois comme dans le spectacle, des pulsions parfois... On va me montrer un mouvement et je vais dire, moi, j'ai vraiment envie de plutôt le faire comme ça et on va me dire : "Non, tu sais, c'est comme ça que ça a été écrit. Pour moi, c'est paradoxal parce qu'un danseur étoile, ça doit être justement quelqu'un qui est très atypique, qui est unique. On vient le voir parce qu'on aime son atypisme et qu'il propose quelque chose que personne d'autre propose. Donc, c'est assez contradictoire à la fois de devoir se plier aux règles et en même temps, d'avoir ce côté très particulier et unique. Donc, c'était un peu difficile.

C'est dur d'évoluer en tant que garçon dans la danse ? Vous avez commencé à une époque où de faire de la danse pour un garçon, ça signifiait obligatoirement qu'il avait une sensibilité féminine.

Alors, j'ai eu une grande chance, c'est que... pas du tout. Mes potes au foot ou à l’école, je leur montrais ce que je faisais en danse et ils me disaient : "C'est stylé, c'est cool !" Je ne leur disais pas, ce que j'aime, c'est le côté raffiné de la danse. A la base, je n'aimais pas le fait de travailler une main comme ça, de lui donner de la poésie, de la texture. Ce sont des choses que j'ignorais. J'étais plus le bourrin qui sautait, qui tournait et je voulais juste épater la galerie. Et ce n'est qu'après, quand j'ai commencé à faire la paix, finalement, avec le fait d'avoir une part de féminité, une part de sensibilité, voire d'hypersensibilité, que je me suis dit effectivement, il faut s'intéresser un peu aux nuances, aux détails. Physiquement et mentalement, il faut s'assouplir.

Alors à quoi aspirez-vous ? Il y a ce spectacle qui est une énorme partie de vous.

J'ai eu la chance de jouer le rôle d’un kiné dans un film avec Andréa Bescond et Eric Métayer, qui doit sortir d'ici un an. C'est un petit rôle, mais c'était une expérience qui était juste géniale donc, le cinéma m'intéresse. J'écris aussi pas mal. Il y a une envie foisonnante de plein de choses et je me dis, il faut continuer à rêver en grand. En tout cas, il y a une chose qui est sûr, c'est que j'ai envie de continuer dans le domaine artistique.

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