Francis Cabrel évoque son premier succès "Petite Marie" : "Avec Mariette, on s'est rencontrés, on avait 17 ans et ça se passe toujours bien"
Francis Cabrel, c'est plus de 45 ans de carrière, 14 albums studio, huit en public, cinq compilations et des centaines de concerts. Auteur, compositeur, parolier et musicien, il est devenu un artiste qui compte dans le paysage de la chanson française. Avec son accent du Sud revendiqué, Francis Cabrel a su s’imposer avec cette musicalité qui a séduit des millions d’oreilles. Il a aussi su nous prendre par la main, habiller nos souvenirs avec des chansons comme : Petite Marie (1977), L'encre de tes yeux (1980), La dame de Haute-Savoie (1980), Il faudra leur dire (1987), Sarbacane (1989) ou encore La corrida (1994), qui désormais ne sont plus à lui tout seul, mais aussi à nous. Cet artisan faiseur de tubes a reçu franceinfo chez lui, à Astaffort, un endroit fondateur qui a toujours fait partie de lui et de ses créations, notamment celle Des Rencontres d'Astaffort , un liant avec de jeunes artistes, auteurs, compositeurs, interprètes à l’image de sa fille Aurélie, qui y vit et a créé le label Baboo Music sous lequel est sorti son dernier single, Un morceau de Sicre .
franceinfo : Vous êtes né à Agen et avez grandi aux côtés de vos parents, d'un frère et d'une sœur. Comment était votre enfance passée à Astaffort notamment ?
Francis Cabrel : Je dirais qu'elle était ensoleillée. C'est le souvenir qu'il m'en reste. Elle était très insouciante. On avait des jeux d'extérieurs ludiques, des courses de vélo, de trottinette, tout ce qui nous passait sous la main et qu'on confectionnait nous-mêmes quelquefois. C'était de la débrouille, c'était de la camaraderie. Je garde un très bon souvenir jusqu'à mes dix ans parce qu'après je suis partie au lycée et la vie a changé.
Donc vous êtes issu d'une famille modeste, originaire de Frioul en Italie. Votre père était ouvrier dans une biscuiterie et votre mère, caissière dans une cafétéria. Ils ne vous ont jamais rien interdit. Que vous ont-ils le plus transmis ?
Ils m'ont transmis l'opiniâtreté de ces gens qui n'avaient rien et qui s'en sortaient avec trois bouts de ficelle parce que nous les enfants, on ne s'apercevait pas qu'on était au bord de la rupture. Chaque jour était un combat pour eux. Il fallait qu'ils nourrissent leurs trois enfants et qu'ils arrivent à les habiller à peu près correctement avec franchement trois fois rien.
"Mes parents, nous ont donné cette façon de combattre silencieusement, d'être acharnés."
Francis Cabrelà franceinfo
Moi, j'ai beaucoup d'endurance dans ce que je fais. J'ai l'air d'un paresseux comme ça parce que je fais un disque tous les cinq ou six ans, mais quand je m'y mets, je me mets tellement profondément dans mon travail que je retrouve cette ténacité, cette envie de s'en sortir qu'ils avaient. Et moi, j'ai envie de me sortir de mon projet, d'arriver au bout. Je pense que la conviction me vient d'eux.
Certains choisissent l'école publique, d'autres l'école privée, vous, c'était plutôt l'école buissonnière avec un taux d'absentéisme assez conséquent. Vous avez même été viré pour ça.
Oui, j'ai été viré parce qu'en fait, à l'âge de 15 ans, je suis devenu chanteur dans un groupe de bal, dans un orchestre de bal. On faisait danser les gens et on partait en Dordogne, dans les Landes, dans le Lot-et-Garonne. Donc je rentrais le lundi matin au lycée, j'étais cuit. J'avais fait tout le samedi, tout le dimanche, à chanter, à rouler un peu partout.
"Mon absentéisme à l'école était plutôt dû au fait que j'avais déjà un métier à 16 ans en étant chanteur dans un groupe."
Francis Cabrelà franceinfo
À 19 ans, vous étiez magasinier dans un magasin de chaussures et vous avez beaucoup joué dans ces bals locaux. Il y a déjà effectivement ce déclic avec Bob Dylan, mais pas que, il y a cette guitare aussi qui vous est offerte par votre oncle. Le fait de jouer d'un instrument et de pouvoir vous exprimer à travers la musique va être un énorme déclencheur.
Oui, ça a été un déclencheur assez lent parce que j'ai eu la guitare, je devais avoir entre neuf et dix ans. J'ai commencé à savoir jouer vers 13 ou 14 ans. Donc, pendant toutes ces années, elle est restée dans un coin, je ne savais pas trop comment ça se tenait. Et arrivé au lycée, quelqu'un savait jouer et m'a montré comment ça se passait. Mais ma guitare a surtout été une compagne pour pouvoir tenter de m'exprimer parce que j'étais d'une timidité qu'on ne peut même pas imaginer. Alors, pour parler aux autres, j'ai construit des petits poèmes, j'en ai déjà fait des petites chansons.
"La guitare a été la clé de mon ouverture sur le monde."
Francis Cabrelà franceinfo
En juin 1974, il aura ce concours de chant organisé par Sud Radio. C'est là qu'on va entendre pour la première fois Petite Marie à la radio. Vous rappelez-vous de ce moment-là, où vous devez affronter cette timidité pour chanter ?
Je m'en souviens parfaitement parce qu'on était à peu près 350 dans la rue. J'avais entendu à la radio qui disait : "Si vous écrivez des chansons, venez". Mais en fait, tout le monde est venu, même ceux qui n'écrivaient pas. J'avais quand même écrit ma chanson. On n'était pas nombreux à avoir été auteur-compositeur ce jour-là. J'étais enrhumé comme pas possible. J'avais toutes les peurs sur les épaules. Enfin, ils avaient quand même entendu quelque chose de mon histoire. Ils m'ont dit : "OK, vous êtes qualifiés directement". Il y avait tout un parcours : quart de finale, demi-finale, etc. J'ai tout gagné, si je puis dire, puisque même en finale, on n'était plus que quatre et ma chanson est arrivée première.
Comment est née cette chanson Petite Marie ?
Je venais de rencontrer mon épouse Mariette et je me suis dit : tiens, Mariette, c'est quoi ? Mariette, c'est une petite Marie. Et ce prénom, Marie me fascinait depuis longtemps et surtout depuis la chanson de Jimi Hendrix The Wind Cries Mary, donc je voulais faire quelque chose avec Marie et là, c'est tombé sous le sens.
Mariette a toujours été là.
On s'est rencontrés, on avait 17 ans et ça se passe toujours bien.
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