Faada Freddy : "Je scrute le monde en parlant d’humanité à travers ma musique"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 27 février 2024 : Le chanteur et rappeur sénégalais, Faada Freddy. Il sort son deuxième album solo : "Golden Cages".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 14 min
Faada Freddy, chanteur et rappeur sénégalais (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Faada Freddy est chanteur et rappeur sénégalais. Ses premiers pas, il les a effectués dans le milieu du hip-hop avec le groupe Daara J, qu'il avait caché à son père de peur qu'il le renie à jamais. Il a fini par être démasqué. En 2015, le public français l'a découvert avec Gospel Journey, un album extraordinaire, un hymne à la vie enregistré avec voix et uniquement des percussions corporelles. Il sort un nouvel album Golden Cages, son deuxième album solo, avec 12 titres inédits.

franceinfo : Vous sortez votre deuxième album solo après sept ans de silence, que s'est-il passé ?

Faada Freddy : Il s'est passé que pendant ces sept années, j'ai pris du temps pour moi parce que c'est fréquent, on le sait, que beaucoup d'artistes sont victimes d'un surmenage parce qu'ils tournent beaucoup. Et c'était un peu pour éviter tout ça. J'avais besoin du temps pour moi. J'avais aussi besoin de sentir mes pieds fouler le sol. Je suis donc retourné au Sénégal et je suis allé voir les agriculteurs et j'ai appris un peu les bases de l'agriculture. Et puis le Covid est arrivé et j'en ai profité pour m'enfermer et écrire ce nouvel album Golden Cages.

Golden Cages, c'est parce que vous vous positionnez aussi sur notre incapacité à réfléchir sur nous-mêmes, avec une moralité et surtout des idées qui sont, finalement, imposées et qui deviennent la norme. C'est un peu un cri du cœur ?

Oui, effectivement, parce que le fait d'être enfermé entre quatre murs, ça m'a poussé à réfléchir. Et puis je me suis dit que ce qu'il faut décrire et surtout décrier dans cet album, c'est que nous sommes plus que des QR codes. Nous sommes des êtres d'esprit et d'âme, nous avons envie de nous connecter les uns les autres. Donc, c'est un appel à la liberté, à la liberté individuelle.

"Il faut sortir de notre confort parce que s'aventurer dans ce qui n'est pas le confort, c'est aussi s'octroyer le plaisir de s'explorer, de savoir qui on est réellement."

Faada Freddy

à franceinfo

Votre père a été assez dur avec vous. Il avait une vision de l'artistique assez particulière, il considérait que c'était une vocation, mais pas un métier. Vous lui avez caché pendant très longtemps que vous faisiez de la musique à côté.

Oui. C'était par pudeur. Mon père était un homme très doux, mais qui nous protégeait pour qu'on ne sombre pas dans l'alcool, la déchéance ou la drogue. Car pendant la période de Jimi Hendrix, ces années où c'était Peace, Love and Harmony, il y avait beaucoup de drogues. Il a fallu que je passe le bac, que j'aille jusqu'en deuxième année de comptabilité pour dire : "Papa, enfin, regarde, je commence à pousser et j'ai même quelques fan-clubs qui me demandent des autographes quand je marche dans la rue. Je pense que c'est le moment pour toi de me donner la bénédiction". Et c'est ce qu'il a fait. Depuis, je scrute le monde en parlant d'humanité à travers ma musique.

Enfant, vous saviez déjà que vous étiez fait pour la musique, vous chantiez même à cinq ans ?

Effectivement, à cinq ans, j'ai fait ma première télévision pour aller déclarer l'amour en chantant à ma grand-mère. Et quand on a mis les projecteurs autour de moi, j'étais intimidé et j'ai commencé à chanter Frère Jacques et j'ai pleuré. Et quand je suis rentré, elle m'a dit : "Mais où est ma chanson d'amour ?" J'ai répondu : "grand-mère, j'ai oublié" et elle m'a dit : "Mais j'ai quand même aimé mon chéri". J'ai commencé la musique assez tôt, à l'âge de quatre ans, parce que j'ai grandi avec la voix de ma mère qui chantait en cuisine, de la musique indienne, notamment, et c'est ce qui m'a ouvert la voie pour explorer les musiques indiennes, les musiques françaises, la soul music.

"Je suis devenu un métis culturel et c'est ce que j'explore tous les jours à travers ma musique."

Faada Freddy

à franceinfo

Est-il difficile de devenir le chef de famille quand les parents disparaissent ?

Ce n'est pas facile. Et porter aussi la douleur et le poids de ceux qui viennent me voir, c'est aussi quelque chose. Aujourd'hui, j'accède à la musicothérapie et je vois des gens qui viennent me parler de leurs problèmes et me dire que les médecins ont vu qu'il y a une amélioration quelconque grâce à la musique. Je sais que la musique a une vibration curative. Je travaille déjà avec des enfants autistes, des gens atteints de cancer ou d'autres maladies, mais je compte bien ne pas m'arrêter et continuer à répandre la bonne vibration pour que les cœurs et les esprits guérissent. Rien qu'en regardant ce qui se passe avec les cultivateurs... Aujourd'hui, si les cultivateurs eux-mêmes ont leurs vies menacées, qu'est-ce qu'on va devenir ? Ils nous donnent à manger.

"La terre entière est en crise et c'est là où l'artiste joue son rôle de médiateur."

Faada Freddy

à franceinfo

Quand vous étiez petit, vous n'aviez pas d'argent, vous avez créé vos propres instruments avec des bidons. C'est par là que cela démarre ?

La plus grande richesse qu'on a, c'est nous-mêmes. Je n'avais pas de tablette et grandir dans un endroit où on n'est pas absorbé par les tablettes, ça laisse libre cours à la créativité. Et aujourd'hui, j'arrive à faire des albums juste avec le corps. Utiliser la poitrine comme la grosse caisse, la voix comme la basse, on peut tout faire, on n'a pas besoin d'instruments pour mes albums.

Il y a de l'harmonie, de l'émerveillement et il y a toujours cette notion de liberté. N'êtes-vous pas d'abord cet artiste libre ?

C'est comme les colibris, il faut que ça commence par un, mais je sais qu'ensemble, on le sera plus. Ensemble, on ira plus loin et ensemble, on sera plus libres.

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