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Erik Orsenna, écrivain et académicien : "Moi, je suis un prof. Ma passion c’est d’apprendre et transmettre"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’invité est l’écrivain et académicien Erik Orsenna pour son nouveau livre "Cochons. Voyage au pays du vivant" aux éditions Fayard.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
L'écrivain et académicien Erik Orsenna. (JOEL SAGET / AFP)

Dans son dernier ouvrage Cochons. Voyage au pays du vivant, Erik Orsenna mêle un de ses sujets de prédilection, la mondialisation, avec le monde animal, représenté par le cochon. Un choix qui peut sembler surprenant mais qui présente un double intérêt selon l'écrivain : le cochon est très proche de l’homme et son observation précise apporte des perspectives à l’humanité.

J’ai toujours été passionné par les interdépendances. L’amour, les guerres, le commerce, les relations entre les êtres humains et les éléments comme l’eau par exemple et je n’avais pas encore eu de vraies études sur les relations avec les animaux

Erik Orsenna

à franceinfo

Erik Orsenna raconte au micro d’Élodie Suigo qu’il a commencé à travailler il y a deux ans sur les cochons, alors qu’ils sont, à l'époque, décimés par la peste porcine : "Deux ans avant que n’arrive notre pandémie à nous", commente l'écrivain. Son travail sur le sujet nous permet d’avancer sur cette thématique et révèle aussi le piège dans lequel l’homme est tombé : "J’aime bien les miroirs, comme par exemple quand j’ai écrit L’avenir de l’eau. L’eau c’est un vrai miroir de nos sociétés et le cochon c’est pareil. Parce qu’il est très proche de nous génétiquement, que nos organes sont les mêmes, c’est-à-dire que quand on étudie le cochon, on étudie aussi l’être humain." 

Cet intérêt pour le monde animal s'explique également par le fait qu'Erik Orsenna occupe à l’Académie française le fauteuil de Pasteur. Il en est son ambassadeur et travaille sur la biologie depuis une bonne vingtaine d’années : "J’ai toujours voulu comprendre comment ça marche", dit l'écrivain. Pour lui, cette pandémie a mis en perspective l'interdépendance du vivant.

Ce que je savais, c’est à quel point il y a une unité du vivant. La plus infime partie du règne animal, c’est-à-dire le virus qui a besoin d’une cellule pour se répliquer, tue un million d’êtres humains et met à terre l’ensemble de l’activité économique

Erik Orsenna

à franceinfo

Le silence des parents

De ses deux parents, Erik Orsenna raconte les différences : deux mondes bien distincts, et le silence entre eux deux. "En fait, j’avais des liens avec chacun de mes parents, mais pas avec les deux", dit-il avant de poursuivre sur sa mère monarchiste "qui voulait qu’il y ait un roi de France. Elle me racontait des histoires, des histoires, des histoires..." Son père, lui, était passionné de sport, et sera vice-président de la Fédération française d’aviron : "C’est lui qui m’a appris à barrer. Et puis il me racontait aussi des histoires de mer, de sous-marins, de pirates et tout ça. Ils m’ont nourri chacun de leur côté".

Cet amour de la mer a été transmis à Erik Orsenna par son père. L'académicien barre déjà à huit ans, seul sur un bateau à voile : "Vous êtes au milieu de la nature et vous négociez avec le vent, avec le courant, vous êtes vous-même une partie de la nature". Et sa réflexion va bien au-delà. "J’ai vu plusieurs choses dans la mer. Dont le mouvement entre marée haute et marée basse, c’est 11 mètres d’écart. Là, vous comprenez, que c’est le mouvement qui est la réalité de la vie". L'écrivain en tire un art de vivre tout en humilité : "Conduisons-nous sur terre comme si on était sur mer".  

L'arrivée à l'Académie française

Erik Orsenna est un boulimique de connaissances, diplômé de Sciences Po Paris, docteur en sciences économiques, il devient enseignant-chercheur dans le domaine de la finance internationale : "Moi, je suis un prof. Ma passion c’est d’apprendre et transmettre", assure-t-il. L'académicien se remémore sa collaboration avec François Mitterrand en 1983 et 1984, alors qu’il est devenu la plume du président de la République. Un homme érudit qui connaissait la France comme sa poche forçant son admiration : "Imaginez ce que c’était que de survoler la France en hélicoptère avec François Mitterrand qui vous racontait la France."

Homme d’écriture, c’est en 1988 qu’Erik Orsenna reçoit le prix Goncourt et le prix Goncourt des lycéens pour son roman L’exposition coloniale, une étape cruciale dans sa vie professionnelle qu'il n'oubliera jamais : "Je me souviens très très bien quand j’ai vu ça à 13h15, il y 32 ans... quand j’ai vu que le prix Goncourt était attribué à Erik Orsenna."

Dix ans après cette récompense et diverses responsabilités, il est élu membre de l’Académie française : "Ce qui est émouvant c’est que j’ai été élu un quart d’heure après mon prof de droit tant aimé qu’était Georges Vedel, parce qu'il y avait deux sièges vacants. Et puis après j'ai réalisé sur quel siège je m’asseyais, c’était juste après Cousteau et avant, il y avait eu Pasteur". Sous la coupole de l'Académie, Erik Orsenna fait des rencontres exceptionnelles : "J'ai pu tisser des liens réguliers avec Levi-Strauss ou avec Jacqueline Romilly. Imaginez ce que c’est ! On est dans une sorte de classe où il y aurait tous ces gens-là."

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