Cinéma : "Je me nourris de mes doutes", confie Samuel Le Bihan à l’affiche de "Ma langue au chat"
Vedette de la série Alex Hugo diffusée sur France 3, Samuel Le Bihan a toujours été un acteur au franc-parler, passionné par le verbe, les mots, amoureux de la vie et des gens. L'artiste-peintre qu'il s'imaginait être s'est laissé détourner par la scène et le métier de comédien. D'abord dans la rue, avec un univers circassien et théâtral. De l'école de la rue Blanche au cinéma en passant par l'Actors Studio à New York ou la Comédie-Française, le jeu a rythmé sa vie. Ce mercredi 26 avril 2023, il est à l'affiche du film Ma langue au chat de Cécile Telerman, avec Zabou Breitman, Pascal Elbé, Marie-Josée Croze. C'est l'histoire d'une bande de copains qui se retrouvent ensemble à la campagne pour passer un joli moment. Mais évidemment, tout dégénère quand le chat de la famille du couple qui les accueille disparaît. L'occasion pour chacun de régler ses comptes et de dire à voix haute ce qu'il pense depuis des années tout bas.
franceinfo : Ma langue au chat est un film sur l'amitié et donc sur la famille que l'on choisit en quelque sorte.
Samuel Le Bihan : Oui, c'est tout ça. Ce film a le charme de l'amitié avec nos faiblesses, nos mensonges, nos tricheries, particulièrement mon personnage quand même parce que si le chat disparaît, c'est un petit peu à cause de lui. Il a peur de perdre ses amis, d'être rejeté. Il a cette fragilité et cette impression d'être à côté, ne pas avoir les arguments, les éléments pour être intéressant dans cette vie. Il se met donc toujours en marge en espérant ne pas être rejeté. C'est limite, il aimerait être adopté par Pascal Elbé et Zabou Breitman, il est un peu puéril quelque part dans son comportement. Il a besoin d'amour, terriblement, et il n'a pas confiance en lui.
Dans ‘Ma langue au chat’, la comédie naît de ce personnage qui commet une espèce de maladresse et qui va provoquer une réaction en chaîne et faire tomber les masques. Les gens vont être obligés de se révéler.
Samuel Le Bihanà franceinfo
Dans ce film, il y a vraiment deux piliers de votre vie, l'amitié et la famille. Cette famille a toujours occupé une place très importante dans votre vie. C'est vrai que votre père vous a beaucoup apporté, tout comme votre mère d'ailleurs. Que vous ont-ils transmis ?
Mon père m'a donné beaucoup de volonté. Il a une espèce de résistance, une nature. Il a démarré en étant marin pêcheur comme mon grand-père. Ce sont des gens durs au mal, qui ne parlent pas beaucoup, mais qui sont vraiment solides. Et ma mère, c'était plus le côté artistique, une espèce d'élégance, une douceur, une sensibilité qu'a sûrement mon père, mais qui est cachée, sous une peau très épaisse. Donc je suis fait de ça, de ces deux-là, c'est mon héritage.
Vous avez toujours fait plein de petits boulots. Vous n'avez jamais rechigné, il n'y avait pas de sots métiers.
Oui, en même temps, je n'avais pas le choix. Mes parents n'avaient pas tellement de moyens. Il a fallu que je trouve des astuces. J'avais envie de changer un peu les cartes qui m'étaient données au départ et je voulais changer de jeu quoi. J'ai eu de la chance dans ce sens-là. Ça a donc démarré par plein de petits boulots, de la débrouillardise. Il faut être malin. C'est pour ça que quand j'ai commencé à être comédien, je jouais dans la rue. J'ai même craché le feu. Je faisais du mime un peu burlesque.
C'était de la commedia dell'arte !
Oui, c'est vraiment la commedia dell'arte et quelques années après, je me retrouve à la Comédie-Française et donc j'étais assez fier de ce grand écart, de dire : voilà, j'ai démarré vraiment comme saltimbanque et là, je rentre dans le temple du classique, de la littérature et du répertoire français.
Quand j'étais gamin, adolescent, les gens se demandaient ce que j'allais devenir. Très sincèrement, ce n'était pas gagné. Personne n'aurait misé sur moi et donc de montrer qu'on pouvait changer les choses, c'était une fierté personnelle.
Samuel Le Bihanà franceinfo
Vous n’avez jamais réellement eu confiance en vous.
Eh bien, je n'étais pas le plus doué et c'est le travail qui m'a permis de progresser. À chaque fois, il fallait que je trouve des endroits qui étaient gratuits, comme le Conservatoire, la rue Blanche. Et puis en plus, j'avais une bourse d'Etat, donc c'est encore mieux, je pouvais me servir de l'ascenseur social et c'est là-bas que je pouvais rencontrer des profs qui allaient me faire réagir, comprendre des choses, m'obliger à travailler sur des domaines. Comme j'étais un peu timide, il a toujours fallu que je lutte contre ça. Encore aujourd'hui, toujours un petit peu. J'ai l'impression que ça sort par bribes d'énergie, que ce n'est pas complètement construit. Ce qui est bien, c'est que c'est un métier de groupes et on réussit grâce aux autres. C'est grâce à cet ensemble d'artistes qui sont venus autour de vous, les auteurs, le décorateur, le réalisateur, le metteur en scène, celui qui fait la lumière. C'est ça qui est beau. Ce qui est assez fascinant dans ce métier, c'est qu'on s'en remet aux autres un petit peu.
Vous êtes en confiance aujourd'hui ?
En fait, je me nourris de mes doutes. Le doute est une énergie. Il vous pousse à vous améliorer, à aller plus loin. C'est le moment où on se dit : "Tiens, j'ai tout compris" qu'en fait on n'a rien compris. Tant qu'il y a ce doute, je me dis qu'il y aura cette fragilité de vouloir bien faire et c'est ça qui fait qu'on fait toujours un petit peu mieux. On fait bien et on soigne les spectateurs, votre audience.
Ce métier de comédien semble vous avoir comblé aussi en tant qu'homme. Est-ce que vous avez conservé le fait de rester libre parce que vous faisiez ce métier au début pour ça ?
La liberté, ça voudrait dire être complètement seul. Être complètement libre, ça voudrait dire qu'on va être complètement seul et donc ce n'est pas possible. On est obligé d'accepter le compromis et de perdre un peu de sa liberté pour à la fois se protéger, vivre en société à plusieurs et créer une zone de bonheur. On est des animaux sociaux. Je dirais que c'est plutôt une indépendance qu'une liberté.
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