"Céder n’est pas consentir" : dans son nouveau livre, Isabelle Carré aborde avec pudeur l'abus dont elle a été victime plus jeune
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’invitée est l’actrice et écrivaine Isabelle Carré pour son deuxième roman, "Du côté des Indiens", paru aux éditions Grasset.
C’est en 2018, que le premier roman d’Isabelle Carré Les rêveurs est publié. La quinquagénaire explique que l’écriture a toujours été omniprésente dans sa vie : "J’écrivais beaucoup puis j’ai arrêté un peu vers l’âge de 30-35 ans parce que le métier de comédienne a pris le dessus mais depuis quelques temps, j’avais besoin de reprendre la main, reprendre la parole".
Ce n'est pas un livre sur l'adultère
Du côté des Indiens nous fait rencontrer un petit garçon de 10 ans, Ziad, qui, le jour de son anniversaire se rend compte que son père fréquente la voisine du dessus, Muriel. Il ne s’agit pas d’un livre sur l’adultère comme ce résumé pourrait le faire penser non, Isabelle Carré a fait le choix de mettre en avant la relation amicale entre ce garçonnet et cette femme : "J’avais envie de raconter une histoire d’amitié entre un adulte et un enfant. Pourquoi ? Parce que ‘L’enfance décide’, disait Jean-Paul Sartre. Tout commence par l’enfance. Peut-être même que toute création c’est revenir à l’enfance."
Elle raconte au micro d’Elodie Suigo qu’au moment où elle s’attelle à cette histoire éclate l’affaire Weinstein. Elle est contactée par une journaliste : "Avais-je des choses à dire sur le sujet ?" Et elle poursuit de sa voix douce et contenue "Bien sûr, j’avais des choses à dire. Mais je voulais prendre le temps. Le temps du roman et la liberté aussi, que m’offre le moyen d’expression de la fiction".
C'est donc par le prisme de Muriel qu’Isabelle Carré va évoquer son traumatisme. Ce personnage a été comédienne quand elle était plus jeune, elle a renoncé à ce métier pour devenir scripte, passer derrière la caméra et "être un peu à l’abri''. ''Et qui effectivement, poursuit-elle, n’a pas su dire 'non’ à un metteur en scène qui n’a pris en compte que son propre désir, n’a pas du tout interrogé le sien (…) Et l’effet de surprise a agi et c’est peut-être aussi… pour ça que j’ai eu à cœur d’insérer ce passé de Muriel pour, peut-être, oui, aider les autres femmes, comédiennes ou non…"
Quand on est jeune et qu’on a un rapport hiérarchique au-dessus de soi, c’est assez compliqué d’affirmer sa parole à certains moments pour qu’il n’y ait pas cet effet de surprise qui a été le mien...
Isabelle Carréà franceinfo
Isabelle Carré confie que ces questions lui importent infiniment, qu'il s'agit aussi son histoire intime : "C’est vrai que ça m’est arrivé quand j’étais aussi plus jeune. C’est-à-dire, je connais la catatonie dans laquelle on peut être parce qu’on ne s’y attend pas, parce que c’est l’impensable et vous, vous vous regardez faire, vous vous regarder vivre et vous êtes sans voix en fait".
Ce sont des expériences où vous êtes niée. On ne prend pas en compte ce que vous êtes. Vous êtes comme une chose qui doit consentir. Mais céder n’est pas consentir !
Isabelle Carréà franceinfo
La plume à la main pour raconter des fictions mais aussi quelques-unes de ses réalités, Isabelle Carré avoue l’importance des mots des autres, de passer ces mots pour libérer la parole ou encore simplement de se sentir mieux après avoir trouvé des pistes de réflexion, des êtres qui vous ressemblent : "C’est ce que je retrouve aussi moi. Quand je lis des livres, c’est-à-dire qu’on lit pour se lire, et surtout la façon dont l’auteur a formulé les questions, des problématiques que vous n’auriez pas su formuler de cette façon-là mais ça vous retire une énorme épine du pied. Vous dites : ‘Alors oui, on n’est pas seul, on n’est plus seul, on se comprend et c’est normal de passer par là."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.