Bruce Benamran : "Ma première passion, avant la science, avant les vidéos, c'est de raconter des histoires"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 2 avril 2024 : Le vidéaste et écrivain, Bruce Benamran. Il publie un nouveau polar : "Yzzy a disparu" aux éditions XO.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11 min
Bruce Benamran le fondateur de la chaîne YouTube "e-penser", en décembre 2015. (DANIEL FOURAY / MAXPPP)

Bruce Benamran est à la fois écrivain et vidéaste. Il est à 46 ans le fondateur de la chaîne YouTube "e-penser" qui ne compte pas moins de 1 140 000 abonnés. À côté de ça, il écrit des romans, c'est d'ailleurs devenu sa principale activité, avec un succès très fort à la suite de son ouvrage à succès : Prenez le temps d'e-penser paru en 2015 et suivi en 2016 du deuxième tome.

Il vient de publier un roman policier, Yzzy a disparu aux éditions XO, dans lequel il brosse un portrait sévère et souvent juste du monde des influenceuses et des influenceurs qui sévissent sur les réseaux sociaux, avec quand même une impunité et des possibilités de nuisances dramatiques. Un bilan qui fait froid dans le dos.

franceinfo : Vous connaissez bien ce milieu virtuel. C'était important de donner votre avis ? De créer un tête-à-tête avec le lecteur ?

Bruce Benamran : Je pense que c'était aussi important de faire beaucoup de pédagogie sur les réseaux sociaux parce qu'on est un petit peu à une phase particulière. C'est-à-dire que maintenant, on a la première génération d'adultes qui est née avec les réseaux sociaux et la génération d'avant, qui ne sait pas toujours comment ça marche. Et en plus, ce qui se passe, c'est que depuis cinq-six ans, le fonctionnement de ces réseaux a beaucoup évolué avec les algorithmes qui se sont complexifiés dans les plateformes, qui maintenant en plus utilisent des IA. Et donc, il y avait besoin d'expliquer comment tout ça fonctionnait.

"Les IA, on les appelle ‘intelligentes’, mais elles ne le sont absolument pas et elles ont tendance, de plus en plus, à nous enfermer dans des bulles où on est confrontés qu'à une version de certaines informations qui très souvent ne sont pas vraies."

Bruce Benamran

à franceinfo

Il m'est impossible de résumer ce livre et vous le savez d'ailleurs parce que c'est fait pour ! Qu'est-ce qu'on peut dire ?

Yzzy est une instagrameuse qui est mondialement connue, qui a presque 30 millions d'abonnés. Alors, normalement, elle n'est pas capable de faire deux mètres dans la rue sans qu'on ne la reconnaisse. Elle est à Boston pour faire une série de photos. Elle fait son enregistrement dans sa chambre d'hôtel. Le lendemain matin, quand ils viennent faire le lit, elle n'est plus là. Elle est déclarée "disparue". À ce moment-là, il y a toute la toile qui s'enflamme. Bien sûr, il va y avoir une enquête de police et on a un policier Steve O'Maley de la police de Boston qui, lui, est un flic un peu à l'ancienne. Il sait que les réseaux sociaux existent...

Mais il ne sait pas comment les utiliser !

Il ne comprend pas bien comment. Sauf qu'aux États-Unis, le procureur est élu et il est en campagne de réélection. Et pour pas qu'on puisse s'imaginer qu'il est un peu trop tendre avec le crime, comme cette affaire est très médiatisée, il a besoin qu'on arrête vite quelqu'un et qu'on le fasse vite condamner. Il met donc la pression sur la police en disant : "Arrêtez quelqu'un, peu importe qui, mais arrêtez quelqu'un".

Vous êtes d'ailleurs vous-même un influenceur. Vous êtes vidéaste, vous avez créé la chaîne "e-penser" en 2013. Quel en était le but à la base ?

Alors à la base, j'avais découvert sur YouTube des chaînes de vulgarisation scientifique. C'est mon petit frère qui m'avait montré des chaînes en anglais. On était à peu près au moment où à la télévision française, il n'y avait plus l'émission "C'est pas sorcier", il n'y avait donc plus vraiment de vulgarisation. Et j'ai dit : "mais c'est vachement bien, c'est dommage qu'il n'y ait rien en français" et il m'a dit : "Bah, tu n'as qu'à le faire toi !" Et pour ne pas me dégonfler, j'ai fait une vidéo et en fait j'y ai pris beaucoup de plaisir. Ça s'est bien passé. Alors, elle avait fait 14 ou 17 vues, mais dans les 17 vues, il y avait cinq personnes que je ne connaissais pas et je me suis dit : tiens, j'ai touché des gens que je ne connais pas. Et donc, j'en ai fait une deuxième, puis une troisième, puis au bout d'un moment, ça s'est emballé.

Est-ce difficile de créer cette vulgarisation scientifique, de proposer des solutions, d'être le plus convaincant possible et surtout de bien faire comprendre les choses ?

Je pense que c'est la vraie difficulté. Aujourd'hui, il y a beaucoup de chaînes qui font de la vulgarisation et les gens ont tendance à penser que la difficulté, c'est de comprendre le sujet dont on va parler. Quand on va parler des trous noirs, il faut déjà faire les recherches, comprendre ce que c'est qu'un trou noir, tout ça.

"La vraie difficulté dans la vulgarisation scientifique, c'est de garder en tête qu'on veut s'adresser à tout le monde, à tous les gens qui se disent : ‘Moi, les mathématiques n'étaient pas pour moi, mais par contre, j'aimerais bien comprendre comment ça marche un trou noir’."

Bruce Benamran

à franceinfo

Comment vivez-vous ce succès ? On parle de cette influenceuse Yzzy qui a 30 millions d'abonnés, mais vous, avec 1 140 000 abonnés, inévitablement dans la rue, les gens vous reconnaissent.

Alors en fait, moi, j'ai beaucoup de chance parce que je suis à un niveau de notoriété qui est, je dirais, pile au bon niveau. Quand je marche dans la rue, dans une grande ville, il peut arriver qu'il y ait une personne qui me fasse un signe de loin, mais je ne vais jamais déclencher d'émeute. Si bien qu'au final, je ne rencontre que peu de gens qui viennent m'aborder, ils sont toujours très bienveillants. Je suis très content.

Je voudrais qu'on parle de l'écriture. À quel moment est-elle rentrée dans votre vie ? Parce que finalement, ça contrebalance, mais cela n'a rien à voir avec votre parcours d'informaticien, de vulgarisation scientifique, de lien et de liant avec les internautes.

Oui. Ma première passion, avant la science, avant les vidéos, c'est de raconter des histoires. Mon rêve depuis que je suis gosse, c'est d'écrire de la fiction et de réaliser de la fiction. J'ai eu la chance de faire une petite série de fiction sur ma chaîne qui s'appelle "Arel3" et je me suis rendu compte à cette occasion que c'est extrêmement contraignant. Mais si j'ai envie demain qu'on accroche des ballons à la Tour Eiffel et qu'elle décolle, j'écris : "on accroche des ballons à la Tour Eiffel et elle décolle". Peu importe si c'est plausible ou pas, il suffit de l'écrire.

Je m'étais dit : je vais essayer de raconter une histoire, dans un livre, je vais voir si ça me plaît, si je sais faire parce que mine de rien, ce n'est pas simple. C'est pour ça que mon premier roman se lit vraiment comme un film, parce que c'étaient des codes que je maîtrisais beaucoup plus que ceux du roman. Et en fait, j'ai fait le premier, ça s'est bien passé, j'étais content et je me suis dit : j'ai d'autres histoires à raconter et puis voilà.

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