Bernard Minier : "Le cyberespace donne des possibilités immenses à tous les agresseurs potentiels"
Au départ, Bernard Minier était dans l'administration des douanes. Il était contrôleur principal. Et puis l'écriture, sa plus fidèle passion depuis sa tendre enfance, a repris le dessus. Son premier ouvrage Glacé est sorti en 2011, lui offrant un succès immédiat auprès du public, de la presse et même de la télévision, avec une adaptation sur M6 qu'on peut retrouver aujourd'hui sur Netflix, propulsant son personnage principal, Martin Servaz au rang de héros.
Il vient de publier : Les Effacées aux éditions XO. L'héroïne, Lucia Guerrero, est de retour dans un tête-à-tête parfois effroyable avec deux assassins, d'une violence qui fait froid dans le dos. Le premier tue des femmes qui se lèvent très tôt et l'autre massacre des hommes très riches, avec toujours le même mode de fonctionnement et surtout cette inscription : "TUONS LES RICHES".
franceinfo : Les Effacées est un thriller haletant, parfois vertigineux. Rassurez-moi, tout est vraiment imaginaire !
Bernard Minier : Oui, c'est imaginaire, mais il y a quand même une part de réel dans ce que je décris. Il y a quelquefois des coïncidences étranges entre la fiction et la réalité, puisque la première victime, parmi les "riches", est une femme qui est inspirée de plusieurs femmes très riches en Espagne, parmi les plus grandes fortunes espagnoles. Peu de temps après l'écriture de ce roman, une de ses grandes fortunes a été retrouvée morte par ses domestiques dans son appartement, par ses domestiques un peu comme dans le roman. Donc de temps en temps, la fiction et la réalité se frôlent un peu.
En seulement 13 ans, vous êtes devenu un maître du thriller en France. À quel âge ça a commencé ?
Alors le thriller, ça a commencé assez tard, mais j'ai beaucoup écrit. J'ai toujours écrit. Je crois qu'à l'âge de dix ans, j'écrivais déjà des petites histoires de Bob Morane, puisque je lisais Bob Morane comme tous les garçons de mon âge. J'étais science-fiction, fantastique, plein de choses, mais le thriller...
"’Glacé’, mon premier roman était plutôt un exercice de style, le thriller n'était pas vraiment mon genre de prédilection."
Bernard Minierà franceinfo
Vous semblez avoir mis du temps à vous faire confiance, mais en parallèle, il y a toujours eu ce besoin de faire des concours de nouvelles.
C'est vrai. J’ai toujours écrit.
Finalement, c'est étonnant de ne pas vous être lancé dès le départ dans l'écriture.
En effet, parce que je ne me faisais pas forcément confiance, je n'étais pas forcément convaincu que ce que j'écrivais méritait d'être publié. Je voyais aussi des choses dans les livres qui ne méritaient pas forcément d'être publiées, ou en tout cas de mon point de vue. Quand on en parle avec les journalistes spécialisés, les montagnes de livres, les avalanches de livres qu'ils reçoivent chaque semaine, chaque année... Je n'avais pas envie d'ajouter mes livres à tout ça, mais ce qui m'a convaincu, c'est une rencontre, comme toujours, quelqu'un qui m'a convaincu d'aller au bout de l'expérience.
Alors vous allez prendre la décision, après ces concours de nouvelles, d'envoyer votre premier manuscrit à des éditeurs. On sent que ça a été une lourde décision pour vous d'assumer ça, de vous dire : est-ce que ça va captiver ou pas ? Est-ce que ça va fonctionner ? Effectivement, ça a fonctionné avec ce premier roman qui va connaître un succès retentissant. Comment l'avez-vous vécu ?
En fait, ce n'était pas un gros risque. Je me suis mis en disponibilité, j'ai attendu de voir un peu comment ça se passait. Ça s'est très bien passé, très vite et donc j'ai été retrouvé mon éditeur, Bernard Fixot, qui m'a proposé un nouvel à-valoir. Et à chaque fois, je calculais combien de mois de salaires ça représentait. Je prenais des disponibilités en fonction de mon à-valoir (L’avance sur droits d’auteur). C'était assez facile. Je ne me posais pas trop de questions. Je pensais qu'à un moment donné je retournerai dans les douanes, ce qui n'est jamais arrivé. Ma vie a totalement changé. J'ai déménagé. J'ai déménagé surtout le jour où un magazine bien connu, People, a écrit que je vivais dans un pavillon sans charme au fond d'une rue qui n'avait de poétique que le nom. La rue s'appelait Joachim Du Bellay à l'époque. Ce jour-là, je me suis dit : il faut peut-être changer.
Dans ce thriller, vous en profitez pour, encore une fois, donner une vraie place aux réseaux sociaux, à internet. Vous l'aviez déjà fait dans vos précédents ouvrages. Ça signifie que c'est obligatoire aujourd'hui, ça doit être incorporé aux romans quoi qu'il arrive ?
Non, ce n'est pas obligatoire du tout.
Ça devient un personnage.
"Les réseaux sociaux, ça encourage le morcellement de la société, la fragmentation, l'archipélisation de la société."
Bernard Minierà franceinfo
Complètement, c'est un sujet qui me préoccupe beaucoup. Je crois que c'est Étienne Klein qui a dit, qu'en quelques clics, on peut se constituer un chez soi idéologique. Et avec les algorithmes qui, en plus, encouragent ça, à partir de là, on ne rencontre que des gens qui pensent la même chose que soi, qui partagent les mêmes idées. On reçoit des informations qui nous encouragent dans nos convictions, qui sont parfois des illusions ou des aberrations. En dehors du fait qu'aussi, il y a la cybercriminalité qui est de plus en plus importante. On en voit tous les jours en ce moment, parce que le cyberespace aussi n'exige pas la proximité physique entre la victime et l'agresseur. Et ça, ça donne des possibilités immenses à tous les agresseurs potentiels.
Vous êtes l'un des auteurs français les plus lus et les plus traduits dans le monde. Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
Je suis absolument ravi d'exercer ce métier et d'avoir autant de lecteurs partout et de pouvoir voyager grâce à ce métier. En plus, je vais dans plein d'endroits que je n'aurais peut-être pas visités si je ne l'avais pas fait pour mon métier.
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