Mot de l'éditeur:"Le génie de Lester Young tientpour une large part à son lyrisme - paradoxal, puisqu'il traduit unesorte d'exubérance désespérée ou de mélancolie euphorique, comme si lanostalgie pouvait être constructive et le passéisme futuriste. Mais ilrelève aussi de son aptitude à conjuguer l'excitation (voire lafrénésie) et l'indolence (voire l'assoupissement), au point qu'ildevient impossible de les distinguer. Il aura détenu, plus qu'aucunautre jazzman en ce siècle, le secret de la volubilité paresseuse et del'abandon pugnace. Avec la simplicité la plus grande, dans latransparence la plus absolue, il aura su faire de son art une énigme,donnant corps à la chimère qui hante comme un spectre toute l'entreprisepoétique depuis Rimbaud."C'est cette énigme qu'explore et éclaireAlain Gerber, en évoquant, à partir de nombreux enregistrements, ladestinée artistique d'un des plus grands saxophonistes ténors de lamusique afro-américaine avec Coleman Hawkins, Sonny Rollins, Stan Getzet John Coltrane. L'artiste dans la et dans sa société apparaît ici :l'enfant qui reçoit de son père, musicien lui-même, un enseignementstrict et se produit sur scène avant l'âge de douze ans, le réfractairequi tâte de la prison militaire, et celui dont une crise cardiaquecausée par l'abus d'alcool interrompt la vie, dans sa cinquantièmeannée. Beaucoup de ses partenaires apparaissent dans cet ouvrage : CountBasie, avec lequel il joue à de nombreuses reprises, Billie Holiday àqui le lient une admiration et une amitié exceptionnelles, et ColemanHawkins, prédécesseur, rival révéré au saxophone ténor. A partir de safascination raisonnée pour le seul être qui, depuis Tchekhov, "a donnétant de bonheur à ses semblables en leur inspirant tant de mélancolie",l'érudition musicale et la finesse du talent littéraire d'Alain Gerberlui font réussir une gageure : s'approcher au plus près de la définitiondu style en musique.