Cannes 2016 : Dardenne, Mendoza et Nolan, le grand écart
Le cinéma et le réel, version belge et philippine à ce stade de la compétition. Les frères Dardenne, après deux palmes d’or sont encore à Cannes avec un film ancré dans la réalité, tourné comme il se doit dans la province de Liège en Belgique. La fille inconnue c’est pourtant un pas de côté dans leur filmographie, qui regarde vers le polar. Mieux vaut qu’ils n’y aillent pas vraiment d’ailleurs, car le scénario a des faiblesses que le genre ne tolère pas. Mais ce film est un bon Dardenne, porté du début à la fin par une Adèle Haenel qui s’est glissée avec puissance et sobriété dans leur univers. La fille inconnue, c’est une jeune africaine en perdition qui sonne un soir à la porte d’un cabinet médical. La médecin qui n’ouvre pas c’est Adèle Haenel, elle s’en mordra les doigts tout au long du film, car le corps de la jeune inconnue sera retrouvé au bord d’un canal. Cette culpabilité va changer sa vie et elle décide d’agir, de mener sa propre enquête. La question morale une nouvelle fois au cœur du cinéma des Dardenne.
Chez Brillante Mendoza le réel est plus qu’une évidence
Brillente Mendoza a, lui, choisi de planter sa caméra, au milieu des quartiers populaires et grouillants de Manille, avec des acteurs qui semblent depuis 16 films être leurs personnages. Mais le philippin s’il choisit l’esthétique, la dynamique, du documentaire est un excellent dramaturge, qui a cette année ciselé une protagoniste qui donne son nom au film, Ma’ Rosa . Petite bonne femme hyperactive, qui parle comme une charretière, balance des clins d’œil qui frôlent la caméra, elle mène sa tribu à la baguette dans son échoppe fourre-tout où dans les bocaux de bonbons on trouve des sachets de crystal, drogue dégeulasse, mais bon marché. Car pour arrondir les fins de mois, Ma’ Rosa deale, d’autant plus que son idiot de mari est aussi consommateur. Le problème c’est que dans ce coin de Manille nécessité fait loi, et un gamin la balance.
L’essentiel du film se passe dans un commissariat miteux, où les flics ont la corruption dans le sang, ce sont donc les trois enfants qui vont faire le tour des connaissances pour amasser assez d’argent afin de libérer leurs parents. Les policiers appellent ça une caution, très drôle, ce qui est sidérant, c’est le naturel, voire la candeur et même la gentillesse avec lesquels les tractations ont lieu, comme une banalité du mal pour Brillante Mendoza.
"Juste la fin du monde" de Xavier Dolan deux ans après "Mommy"
On a donc vu avant tout le monde Juste la fin du monde de Xavier Dolan deux ans après Mommy qui avait reçu le prix du jury. Pour la première fois il a choisi d’adapter une pièce de théâtre, écrite par Jean-Luc Lagarce en 1990 et de quitter les acteurs québécois avec un casting 100% français : Gaspard Ulliel dans le rôle principal, Vincent Cassel, Léa Seydoux, Marion Cotillard et Nathalie Baye.
Louis, Gaspard Ulliel, homosexuel brillant auteur-dramaturge revient dans sa famille après douze ans d’absence, pour annoncer qu’il va mourir du sida, mais il n’y parvient pas.
Le temps a creusé le fossé entre cet intellectuel et ces gens simples qui ne savent qu’hurler pour se dire qu’ils s’aiment. Une fois de plus Xavier Dolan divise. Esthétisation à outrance, couleurs saturées, ralentis, musique, surlignage du propos, gros plans, zooms, séquences clip, autant de raisons d’adorer ou détester ce film. La pièce de Jean-Luc Lagarce a été écrite en pleine vogue du théâtre entre les lignes où tout est suggéré, l’adapter au cinéma relève au mieux de la gageure au pire de l’inconscience.
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