Réforme du marché du travail : pure illusion ?
Je vois que vous souriez Fabienne, comme si la réponse à votre question, forcément négative, allait de soi dans ce pays où l’on aime croire que le compromis ressemble toujours à une compromission. Ce matin commence une semaine sociale à haut risque qui s’apparente à un véritable parcours d’obstacles : patronat et syndicats se retrouvent aujourd’hui pour définir un agenda social, discuter de la modernisation du dialogue social et de l’allègement des contraintes légales et financières liées aux fameux seuils sociaux dès lors qu’une entreprise dépasse les 10, les 20 ou les 50 salariés.
Demain ils se retrouveront autour du ministre du travail François Rebsamen pour une nouvelle grand messe : au menu, les contreparties en termes d’emploi notamment des allègements de charges consentis par le gouvernement dans le cadre du Pacte de responsabilité. D’autres dossiers délicats suivront, l’apprentissage, l’épargne salariale, le chômage longue durée, l’emploi des jeunes, les retraites complémentaires.
Mais est-ce que c’est la bonne méthode de confier ces chantiers importants aux partenaires sociaux ?
C’est la loi : en 2007, Gérard Larcher, ministre du travail UMP, avait donné son nom à un texte qui impose désormais au gouvernement de saisir les partenaires sociaux avant tout projet de réforme sociale. Il est vrai qu’à l’époque la droite avait été tétanisée par l’échec du CPE, le fameux contrat première embauche, lancé sans la moindre concertation par Dominique de Villepin qui avait du capituler face à la mobilisation massive de la jeunesse. Cette obligation de discussion, voire de négociations, très sociale-démocrate, Hollande a voulu en faire sa « méthode » de gouvernement. Et il persiste aujourd’hui en tentant, une nouvelle fois, de mettre les partenaires sociaux au pied du mur. Pourtant jusqu’ici les résultats ont été à la fois très modestes et très mitigés.
Mais cette méthode a marché par exemple dans les pays de l’Europe du Nord, alors pourquoi ça ne marche pas en France ?
Pour au moins trois raisons :
1 – Si la négociation collective permet en période de croissance, de réaliser des adaptations nécessaires, il en va tout autrement par mauvais temps, quand la croissance se dérobe. Les réformes de structures ne peuvent pas être assumées par les partenaires sociaux. Trop difficile, trop douloureux, trop coûteux même pour un syndicat réformiste.
2 – C’est au pouvoir politique d’assumer ses responsabilités. Même dans un pays comme Allemagne, où patronat et syndicats négocient à tout va, ce ne sont pas les partenaires sociaux qui ont fait les grandes réformes du marché du travail, c’est le gouvernement fédéral du chancelier Schröder qui les avaient imposées. Par souci de légitimité, mais aussi d’efficacité.
3ème raison enfin : en France, chacun le sait, patronat et syndicats sont prisonniers de postures aussi théâtrales que politiques à l’échelon national. Cette culture là ne changera pas en un jour.
Si François Hollande veut vraiment faire passer les difficiles réformes sociales qu’il préconise, et aller vite, alors il devra prendre le risque de changer de méthode : ne lui en déplaise, les conditions d’un grand pacte social-démocrate en France ne sont pas réunies.
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