Le tiers payant existe à l'étranger
C’est tout le paradoxe : en France 95% des médecins sont opposés à la généralisation du tiers payant, et pourtant il a déjà été mis en place et accepté, parfois depuis très longtemps, par exemple dans 24 pays de l’Union européenne. Il n’y a qu’en Belgique, au Luxembourg, en Suède et donc en France, où le patient paye encore le prix de la consultation, avant de se faire rembourser par son assurance maladie.
Alors que nous apprennent ces exemples étrangers. D’abord, si le tiers payant a été généralisé dans tous ces pays, c’est aussi pour son apparente simplicité et pour favoriser l’accès au soins du plus grand nombre : c’est exactement l’argument central de Marisol Touraine et l’esprit de la promesse électorale de François Hollande. Vous connaissez ce chiffre pour la France, entre ¼ et 1/3 des Français disent qu’ils ont déjà, au moins une fois, renoncé à se faire soigner, parce qu’il ne pouvait pas faire l’avance des frais médicaux. Même si quand on regarde dans le détail, il s’agit davantage des frais dentaires et optiques que de consultations de généralistes.
Dans ces pays voisins, on a constaté une inflation des consultations avec la mise en place du tiers payants
Sans aucun doute, toutes les études et les économistes de la santé vous le disent, la généralisation du tiers payant a généré chez la plupart de nos voisins une surconsommation médicale : quand vous ne payez plus, que vous n’avez plus à faire l’avance du prix de la consultation, les études affirment que vous avez tendance à consulter plus souvent le médecin, y compris quand ce n’est pas indispensable.
Pour autant, cette surconsommation est difficile à chiffrer : un rapport de l’IGAS, l’inspection générale des affaires sociales, affirme par exemple, que cette surconsommation est bien réelle mais qu’elle est le fait d’une population, plus modeste, qui se soignait moins, et qui du coup consulte ensuite autant le médecin que d’autres couches sociales de la population. Ce serait donc plus un rattrapage, qu’une inflation générale des coûts. Mais l’IGAS recommande quand même au gouvernement, en se fondant sur les exemples étrangers, de bien notifier aux assurés par écrit le coût réel des frais médicaux pour bien rappeler que rien n’est gratuit et que la solidarité collective du système de santé a bel et bien un prix à payer.
L’autre argument qu’avancent les médecins contre la réforme, c’est celui de la bureaucratie : c’est un reproche qu’on fait aussi chez nos voisins
C’est par exemple le cas en Allemagne, où le système du tiers payant existe depuis des lustres. Les médecins, même avec la numérisation, se plaignent de passer des heures à faire de la bureaucratie pour déclarer leurs consultations et se faire régler par les 150 caisses du secteur réglementé et les 17 organisations professionnelles régionales. Un véritable maquis que j’ai renoncé à vous décrire et qui vaut bien le système français.
Vous l’avez compris, il n’y a donc pas de système parfait, même si les enjeux financiers sont considérables. J’ajoute qu’il y a aussi dans ce conflit une dimension de philosophie politique : en France, les médecins sont très attachés au principe même de la médecine libérale et la réforme heurte donc une culture professionnelle. Et là, c’est beaucoup plus difficile de convaincre.
Réaction sur Twitter @vincentgiret
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