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Le poids de l'économie dans le vote de la présidentielle autrichienne

Alors que le suspense est total en Autriche (on ne saura que dans l’après midi de ce lundi qui du candidat de l’extrême droite et de celui des écologistes a remporté l’élection présidentielle) est-ce que l’économie donne une clé de compréhension de la situation de l’Autriche ?
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
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Le grand paradoxe de l’Autriche,  c’est que si vous regardez d’un peu haut le tableau de bord de l’économie du pays, vous ne comprenez pas vraiment le grand malaise, la grande peur qui étreint cet Etat de l’Europe centrale et ses huit millions et demi d’habitants. Jugez plutôt : l’Autriche est un pays prospère, extrêmement prospère, son revenu par habitant, c’est à dire le grand indicateur de richesse, est le troisième plus élevé de l’Union européenne. Les Autrichiens sont parmi les quinze premiers pays au monde qui ont le pouvoir d’achat moyen le plus élevé. Elle fait, dans ce domaine, mieux que la France, mieux que la Grande Bretagne et même mieux que l’Allemagne ! De même son taux de chômage est l’un des meilleurs de l’Union, autour de 6% seulement. Son déficit public est tenu, d’à peine 2%, comme globalement son endettement. L’Autriche a rejoint tardivement l’Union européenne, en 1995, et elle a profité du rattrapage des pays de l’Est, qui sortait à folle allure de l’économie communiste, et de la bonne santé de l’Allemagne, son tout premier partenaire.

L'état de tétanie

Pour comprendre,  il ne faut pas rester dans le brouillard glacé des grands indicateurs, mais descendre dans une maille plus fine. Là, deux symptômes sont manifestes : le premier, c’est l’état de tétanie, de paralysie de l’économie autrichienne. Sa croissance est comme bloquée, la machine économique fait du surplace, ou presque. En fait, c’est le modèle autrichien qui est atteint. L’Autriche s’est comme endormie, elle a vécu sur sa splendeur, sans préparer l’avenir, sans s’adapter aux changements qui affectaient ses voisins directs, mais aussi au changement du monde et de l’économie. Du coup, sa compétitivité s’est fortement dégradée, l’Autriche a dégringolé dans les classements internationaux, ses prix sont trop élevés, l’investissement est bloqué depuis plus de cinq ans. Et le chômage est reparti à la hausse, même s’il est encore très bas. En tous cas, une partie des Autrichiens s’est sentie fragilisée, déstabilisée, et plus encore inquiète de l’avenir.

L’Autriche est coupée en deux

Et cette coupure, cette fracture même, est visible en économie comme en politique où il y a désormais deux camps, aux forces presque identiques. Il y a ainsi deux Autriche qui se font face, et cette polarisation est d’ailleurs bien perceptible dans les enquêtes électorales. D’un côté, des pôles urbains qui profitent du rayonnement et du poids démesuré de Vienne, des quartiers où vivent et prospèrent les plus diplômés, des cadres qui ont profité de la mondialisation ; et de l’autre côté, des zones rurales et périurbaines ou plus fragiles, enclavées, où vivent les moins diplômés, des ouvriers et des agriculteurs fragilisés par les mutations. C’est cette population là qui s’inquiète de la concurrence des pays à bas coûts, et de la menace supposée ou fantasmée des migrants. Cette élection est donc un révélateur d’une division dangereuse, entre deux Autriche désormais irréconciliables, quelque soit cet après midi le prochain président de la République. Et c’est, sans doute, ce qui fait le plus peur aujourd’hui.

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