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Le décryptage éco. Sortie de l'euro : la grande inquiétude des patrons

La question de l’Europe et de l’appartenance à l’euro est un sujet majeur de la présidentielle. Même si l'on entend peu les patrons pendant cette campagne électorale.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Billets d'euro. (THOMAS MUNCKE / DPA)

Les patrons sont discrets pendant cette campagne électorale. Un chef d’entreprise n’a pas hésité à rompre l’étrange silence de ses pairs et il a décidé d’écrire à ses salariés. Il s’appelle Jean-Luc Petithuguenin, PDG fondateur de Paprec, qui est devenu le mois dernier le numéro 3 du recyclage de déchet en France, avec 1,5 milliard de chiffre d’affaires.

Jean-Luc Petithuguenin est un chef d’entreprise qui est parti de zéro et qui en 25 ans, a bâti une belle entreprise en pleine croissance. Dans une démarche très peu courante, ce PDG a pris la plume et écrit à ses 8 000 salariés pour les prévenir des risques que l’élection éventuelle de Marine Le Pen à la présidence de la République ferait courir à l’économie française et, plus précisément, à l’entreprise Paprek. "Je tiens à expliquer quelles conséquences auraient pour notre entreprise la mise en œuvre du programme du Front national, qui prévoit la sortie de la France de l’euro", a expliqué Jean-Luc Petithuguenin, avec une démonstration simple, limpide.

Une sortie de l'euro serait néfaste pour les entreprises financées par la dette

Pour se développer, bâtir des usines et embaucher, Paprec a eu recours à l’endettement, c’est qui est tout à fait classique. L’entreprise a donc une dette qui atteint aujourd’hui 500 millions euros. Mécaniquement, une sortie de l’euro et un retour au franc provoquerait une dévaluation d’au minimum 20%. Et pour être concret, et bien se faire comprendre, le PDG ne veut pas en rester au pourcentage. Il explique que 20% de 500 millions, c’est 100 millions de dettes supplémentaires que Paprec aurait en plus à rembourser. Autant dire, la catastrophe, avec des licenciements inévitables et même un enjeu de survie pour l’entreprise.

Le patron de Paprek a reçu des menaces sérieuses, qui venaient très probablement de l’extérieur de l’entreprise. Mais globalement, les salariés de l'entreprise ont bien réagi. Ils connaissent leur patron, qui leur avait déjà écrit une première fois, juste après la grave crise de 2008, pour leur dire de ne pas avoir peur, et qu’il prenait l’engagement de ne licencier personne. Et cet engagement, il l’a tenu. Par ailleurs, le PDG de Paprec se garde bien de donner une consigne précise de vote à ses salariés. Il a simplement estimé de son devoir d’alerter sur le risque d’une sortie de l’euro pour son entreprise.

Les patrons restent silencieux malgré une campagne plutôt anti-européenne

L’inquiétude est forte chez les chefs d’entreprise, mais ils n’ont pas tous le courage de Jean-Luc Petithunguenin. Etrangement, on n’entend assez peu les chefs d’entreprises s’exprimer pendant cette campagne sur ce sujet pourtant décisif, comme s’ils étaient un peu tétanisés. En privé, ils s’inquiètent de la tournure très anti-européenne, voire clairement europhobe, de cette campagne. Ils font remarquer que 10 des 11 candidats ont voté contre le traité de Maastrich ou contre le projet de Constitution européenne en 2005 et qu’une majorité d’entre eux évoque une sortie de la France de l’euro. Et notamment, le candidat qui monte, Jean-Luc Mélenchon, dont le programme économique n’est pas si différent de celui de Marine Le Pen.

Le nombre de conditions que met Jean-Luc Mélenchon au maintien de la France dans l’euro est tel qu’on ne voit pas bien comment nos partenaires, même les plus conciliants, pourraient les accepter. Et dans ce cas là, Mélenchon l’a redit ce week-end, il passerait alors au plan B. Et le plan B, c’est la sortie de l’euro. Et il promet alors, comme Marine Le Pen, un référendum pour faire trancher les Français.

Or, une sortie de l’euro ouvrirait une période de très grave incertitude, de grand déséquilibre et d’appauvrissement de la France, frappant d’ailleurs tout particulièrement les classes populaires et les plus fragiles. Rappelons pour terminer ce paradoxe : les candidats prêts ou favorables à une sortie de l’euro sont très majoritaires en voix, si on additionne les intentions de vote, et pourtant, 72% des Français rejettent aujourd’hui l’idée d’un retour au franc.

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