Le décryptage éco. Carlos Ghosn ou les relations tumultueuses d’un patron avec l’Etat actionnaire
Avant de se faire arrêter au Japon pour des soupçons de fraude fiscale, le patron de Renault, Carlos Ghosn a toujours entretenu des relations tumultueuses avec l'État actionnaire. Le décryptage de Fanny Guinochet ("L'Opinion").
Carlos Ghosn a été arrêté lundi 19 novembre à Tokyo après des soupçons de fraude fiscale. C’est un véritable coup de tonnerre aussi parce que c’était un patron dont la France était fière, un symbole de réussite. Carlos Ghosn suscitait l’admiration dans les milieux d’affaires, il avait conquis les actionnaires, séduit les politiques. Son fait d’armes ? Avoir redressé l’entreprise japonaise Nissan, puis le constructeur français Renault.
Vénéré comme un samouraï, patron hors norme, polytechnicien, Carlos Ghosn était à la tête du groupe au losange depuis 2005 et avec lui, l'Alliance Renault-Nissan –qui a intégré en 2016 Mitsubishi – est devenue, l'an dernier, le numéro un mondial des ventes avec plus de 10 millions de véhicules écoulés !
Le groupe Renault Nissan, c’est aujourd'hui 122 usines sur tous les continents et 500 000 salariés, dont près de 50 000 en France. Carlos Ghosn, c’est aussi, d'une certaine manière, l’incarnation de la mondialisation heureuse, lui le polyglotte. Enfin, il était qualifié de visionnaire puisqu’il avait été le premier à investir massivement dans la voiture électrique, dont il est leader mondial.
Un salaire difficile à justifier pour l'Etat
Avec ses bons résultats, il était devenu presque intouchable. Presque, parce que ce géant est de plus en plus critiqué pour son management, son goût pour le pouvoir et pour l’argent. Sa rémunération fait polémique, Carlos Ghosn est vite un des patrons les mieux payés. En 2016, alors qu’il affiche un salaire de 15 millions d'euros annuel, même le Medef se fend d’une lettre pour appeler le dirigeant à la "mesure" !
Si son salaire est aussi élevé, c’est parce qu’il cumule à la fois la rémunération de Nissan et celle de PDG de Renault. Mais ces millions ne sont pas forcément faciles à justifier pour l’Etat français qui reste actionnaire de Renault avec 15% du capital et 22% des droits de vote. Surtout quand par ailleurs le groupe touche des aides de l’Etat, comme le fameux CICE, le crédit impôt pour la compétitivité.
Des relations tendues avec Emmanuel Macron
Les relation entre Carlos Ghosn et le chef de l'Etat tournent souvent au bras de fer. En 2016, quand il est ministre de l’Économie, Emmanuel Macron donne consigne de voter contre la rémunération de Carlos Ghosn. À l'époque le vote est juste consultatif alors qu'il est aujourd'hui contraignant, mais c’est une première dans l'histoire du CAC40.
Surtout, l’Etat actionnaire de Renault n’a eu de cesse depuis de voter contre le salaire de Ghosn qui a d’ailleurs dû le baisser de 30% en juin dernier. Le PDG est alors reconduit pour un nouveau mandat de quatre ans jusqu'en 2022 mais le gouvernement fait pression pour qu’il mette de l’ordre dans la gouvernance du groupe. Officiellement, tout est apaisé. D’ailleurs lors de son itinérance mémorielle début novembre, Emmanuel Macron est allé visiter une usine Renault.
Le gouvernement mal à l’aise avec cette affaire
Sur franceinfo lundi 19 novembre, Bruno Le Maire rappelle "l'attachement de l'Etat à Renault", véritable fleuron français, né il y a120 ans. Le ministre de l’Economie dit également que "la continuité opérationnelle de Renault" est sa priorité. Il s’agit bien entendu de rassurer les syndicats et les salariés de Renault. Mais cette affaire tombe au plus mal, alors qu’Emmanuel Macron, déjà taxé de président des riches, doit faire face au mouvement des "gilets jaunes".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.