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Le choix du patron de Thales fait débat

Un nouveau conflit oppose l’Etat et une grande entreprise française, cette fois il s’agit du groupe de défense Thales, et c’est le choix du patron, Henri Proglio, qui fait débat. Et c’est une histoire assez incroyable.
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Franceinfo (Franceinfo)

Incroyable, vous l’avez dit, c’est une histoire qui dit beaucoup des mœurs et des pratiques étranges entre politique et business dans notre pays. L’histoire commence pourtant de manière assez banale. L’Etat décide d’abord à l’automne dernier, de ne pas renouveler le PDG d’EDF, Henri Proglio, qui était candidat à un nouveau mandat. Proglio n’a pas démérité, mais l’Etat est actionnaire et il veut changer de tête, c’est totalement son droit. Et il choisit Jean-Bernard Lévy, un choix incontesté, en raison du profil et de la réputation de l’intéressé, qui est alors, patron de Thalès, un beau groupe français, dans un secteur stratégique, celui de l’électronique de défense. Et c’est là que tout commence : il faut du coup trouver un successeur à Jean-Bernard Lévy à la tête de Thalès : les deux principaux actionnaires du groupe sont l’Etat et le groupe Dassault : ils mettent plusieurs mois à s’entendre sur un nouveau schéma de gouvernance et choisissent, à la demande de la famille Dassault, vous l’avez deviné, Henri Proglio…

Certes, Lévy remplace Proglio, et Proglio remplace Lévy, mais quel est vraiment le problème ?

C’est à ce moment là que tout commence. Une première escarmouche avec l’Etat, a lieu au sujet de la rémunération d’Henri Proglio, l’intéressé veut 400 000 euros. Et là, Emmanuel Macron dit  "non ", un président non opérationnel, dans une entreprise contrôlée par l’Etat, c’est trois fois moins, soit 130.000 euros, rien de plus. Proglio tousse, assez fortement, mais finit par céder. Mais Bercy découvre alors, qu’Henri Proglio perçoit aussi de confortables émoluments de la part de sociétés russes, oui, russes, vous avez bien entendu, de deux filiales du groupe nucléaire Rosatom, dont Henri Proglio est membre du conseil d'administration. Et puis hier, grâce au magazine Challenge , on apprend encore qu’Henri Proglio a un autre mandat d’administrateur dans la société ABR Management, qui gère les parts des actionnaires majoritaire d’une des plus grandes banques russe, Rossiya, très très proche de Poutine. Et cette banque russe est justement frappée par les sanctions occidentales décidées pour faire pression sur Moscou dans l’affaire ukrainienne.

Mais c’est illégal ?

Non, rien d’illégal, a priori. Mais oui, cette affaire pose fichtrement un problème. Ou plutôt deux : comment un homme qui prétend présider un groupe français ultra stratégique, comme Thalès, peut-il entretenir des liens contractuels avec des entreprises toutes aussi stratégiques d’un pays comme la Russie en conflit ouvert avec la communauté internationale ? Comment enfin Henri Proglio, qui est aujourd’hui président d’honneur d’EDF, tout les mots comptent – a-t-il pu diriger pendant des années cette entreprise tout en conseillant, sans que l’Etat ne le sache - des sociétés russes opérant dans le domaine du nucléaire, et concurrentes directes d’Areva ? On marche sur la tête, c’est proprement stupéfiant. Alors que va-t-il se passer ? Réponse aujourd’hui ou demain lors de l’assemblée générale du groupe Thalès : Emmanuel Macron a posé un ultimatum à Henri Proglio, soit celui-ci démissionne de tous ses mandats russes, soit l’Etat mettra son véto à sa nomination. Et c’est bien le moins qu’il puisse faire

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