Cet article date de plus de dix ans.

La fronde vient-elle de Pierre Gattaz ?

Mais que veulent vraiment Pierre Gattaz et les patrons français : suppression de l’ISF, surpression du motif de licenciement, sous SMIC pour les jeunes, menace de manifestations. Cela ressemble à une fronde ?
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)

Dans les mots, absolument, il y a comme un parfum de fronde et on vient encore de l’entendre dans la voix de Pierre Gattaz à votre micro. Si Manuel Valls et son « j’aime l’entreprise », Emmanuel Macron et sa loi de libéralisation ou François Hollande avec son programme sans précédent de baisse de charges avaient espérer amadouer les patrons, et bien ils en sont pour leur frais. Les déclarations tonitruantes, les provocations disent certains, du patron du Medef, renvoient aux heures les plus sombres des relations de l’organisation avec la gauche au pouvoir, un peu comme quand, en 1997, Jean Gandois s’était senti trahi par Martine Aubry et Lionel Jospin sur les 35h.

Pour comprendre, il faut revenir en juillet 2013, au moment de l’élection de Pierre Gattaz à la tête du Medef. Les petits groupes de grands patrons qui cherchent un successeur à Laurence Parisot veulent rompre avec le style très lobbyiste de la présidente et sont très inquiets de la montée d’un radicalisme nouveau, une sorte de poujadisme qui revient, chez des petits patrons, très travaillés par le Front national dans les régions. Ils cherchent donc à pousser sur le devant de la scène, un patron authentique, qui n’a pas froid aux yeux, si possible à la tête d’une entreprise familiale : Cette frange du patronat pousse ainsi sur le devant de la scène Pierre Gattaz qui répond à tout les critères.

C’est surtout la communication du patron du Medef qui est difficile à comprendre ?

Oui, disons les choses, cette communication est totalement déroutante. Pierre Gattaz est tout à fait légitime, bien sûr, à soulever de bons sujets, et il le fait : l’entrée des jeunes sur le marché du travail, la fiscalité, la nécessité d’une simplification et il est dans son rôle. Mais Pierre Gattaz le fait le plus souvent sur le mode de la provocation, répétée, ne laissant aucun répit à ses adversaires. Et c’est ça qui surprend. Il y a au moins 2 interprétations : la première privilégie la volonté de Pierre Gattaz de donner des gages à cette frange des patrons qui se radicalisent, afin de garder le contrôle de son organisation. Le gouvernement était passé en force sur le compte pénibilité, et bien Gattaz rend coup pour coup, en exigeant la suppression du motif de licenciement ou en ressortant la question de l’ISF, en expliquant que c’est de bonne guerre.

Mais il y a aussi une seconde explication, plus négative, et on l’entend aussi dans l’entourage de Pierre Gattaz et chez certains patrons qui commencent à s’agacer : à force de vouloir parler à sa base, et de jouer des provocations et de la surenchère, Pierre Gattaz ne fait pas progresser le débat de fond, ne joue pas son rôle de pédagogie de l’économie dans l’opinion, et bloque toute dynamique positive avec les partenaires sociaux.

Que peut faire le gouvernement ?

Pas grand chose, en l’état actuel. Ça complique singulièrement sa tâche : d’une part parce qu’il a besoin que les partenaires sociaux jouent un minimum le jeu pour pouvoir bouger les choses et là on est clairement dans le blocage. Et au plan politique, le moins qu’on puisse dire, c’est que l’action et les déclarations de Pierre Gattaz n’aident pas Manuel Valls ou Manuel Macron à faire progresser leur majorité dans la nécessité des réformes. Ni d’ailleurs, il faut le dire, l’intérêt général.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.