La Commission européenne a pour cible Gazprom et Google. Pourquoi ?
Le mois d’avril 2015 va assurément rester dans l’histoire de l’Union européenne, Fabienne, comme le mois où l’Europe a voulu rappeler qu’elle était une puissance commerciale mondiale et qu’elle entendait se faire respecter. Il y a bien quelque chose qui a changé à Bruxelles avec la nouvelle commission du président Juncker, plus politique, plus pugnace, plus intransigeante pour défendre les règles concurrentielles de son grand marché unique. En une semaine, elle s’en prend donc aux deux entreprises mondiales, parmi les plus emblématiques, Google et Gazprom, et déclenchent deux procédures, qui si elles vont à leur terme, pourraient coûter en amendes des sommes astronomiques aux deux intéressées. Autant dire qu’à Washington et à Moscou, on regarde ces affaires de très près. Obama en personne est intervenu pour dénoncer une forme de protectionnisme, faute d’avoir des entreprises européennes capables de rivaliser avec les géants américains. Nul doute qu’on devrait entendre aussi très vite le président Poutine.
Bruxelles reproche la même chose à Google et à Gazprom ?
Oui, il s’agit dans les deux cas d’un abus de position dominante, avec deux variantes différentes. Google est accusé abuser de la position ultra - dominante de son moteur de recherche en Europe pour favoriser ses propres services commerciaux en ligne, au détriment de tous les autres. Et il est reproché à Gazprom d’abuser aussi d’une position dominante pour pratiquer cette fois des prix discriminatoires, en fait très politiques, à l’encontre de huit pays de l’Europe de l’Est, aujourd’hui tous membres de l’Union européenne. Et sur le marché européen, on ne peut pas pratiquer des prix différents selon les clients, c’est une violation caractérisée de la loi.
Quels risques prend l’Europe, Vincent, en s’attaquant à ces deux entreprises géantes ?
D’abord la coïncidence du calendrier n’est à l’évidence pas fortuite : dans un effet de symétrie, l’Europe veut montrer qu’elle peut s’en prendre aussi bien à une entreprise russe qu’à une entreprise américaine. Mais les deux risques ne sont pas identiques.
Pour le cas Google, le risque est celui d’une grosse fâcherie, et peut-être aussi un risque de réputation. Mais après tout, les Américains ne se sont pas privés de sanctionner violemment certaines banques françaises quand elles ne respectaient pas les règles américaines en vigueur.
Les risques sont beaucoup plus dangereux dans le cas de Gazprom, premier exportateur de gaz au monde. Toucher à Gazprom, c’est vécu comme une provocation, c’est s’en prendre personnellement à Poutine, qui en a fait son bras armé politique. Et l’Europe est très dépendante du gaz russe : au total l’Union importante 33% de ses besoins gaziers depuis la Russie, mais certains pays de l’Est en dépendent à 100%. Et outre, ce bras de fer intervient en pleine crise avec la Russie sur le dossier ukrainien. Bref, l’issue de cette bataille est bp plus incertaine et risquée. Mais c’est tout à l’honneur de la Commission européenne.
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