La CGT à feu et à sang
La CGT vit une crise interne incroyable et sans précédent. Un drame politique et personnel d’une très grande violence. Et à ciel ouvert, alors que l'organisation a pour culture historique la discipline et le respect du chef. Et que chacun des militants et des dirigeants a intégré depuis le premier jour que jamais rien ne doit filtrer des batailles internes ainsi confinées dans le plus grand secret. Nous avons entendu ce matin un secrétaire général qui rend les coups qu’on lui porte, contre-attaque contre ceux des siens - ces ennemis de l’intérieur, comme on disait autrefois dans la langue communiste -, qui manœuvrent, le déstabilisent, organisent des fuites ravageuses, et exigent sa démission par voie de presse. Ce matin, nous avons obtenu une confirmation : la CGT, première organisation syndicale française, dans le privé comme dans le public, est à feu et à sang.
Crise à tous les étages
Pour prendre la mesure de cette crise générale, il faut lire la tribune assassine qu’un ancien dirigeant de la CGT a publiée hier soir, dans les colonnes du Monde . Plus qu'une tribune, c’est un réquisitoire féroce, sans concession, bien au delà du seul cas personnel de Thierry Lepaon, expédié en quatre lignes de chute, pour lui demander de démissionner au plus vite en raison, je cite, des « fautes graves et contraire à l’éthique qu’il a commises » . Dans ce texte, qui va faire date, signé par Jean-Louis Moynot, dirigeant historique de la commission exécutive de la CGT pendant 15 ans, tout est dit, notamment sur l’absence totale de démocratie interne :
La CGT est restée enfermée sur elle-même, dans des structures et des idées qui datent de périodes révolues (...) La démocratie, nous en avons peut-être beaucoup parlé, mais nous n’avons guère avancé dans la pratique.
En résumé, selon cet ancien dirigeant, si le mal est si profond, c’est que la CGT ne comprend plus le monde et le capitalisme tels qu’ils sont aujourd’hui, et que le syndicat n’est plus capable de produire des analyses en phase avec les réalités que vivent les salariés. Voilà pourquoi, dit Moynet, « la CGT est dans le peloton de tête des syndicats en déclin en Europe » .
La reconstruction sera longue
Soit Thierry Lepaon continue à s’accrocher au pouvoir comme il l'a encore fait ce matin, et c’est la crise, voire l’implosion. Soit il démissionne et c’est encore la crise, voire peut-être même l’implosion. Comme si on avait levé une chape de plomb: tout ressort, plus rien ne sera comme avant. Et la crise d’homme se double d’une crise politique existentielle : à quoi sert la CGT ? Que dit-elle sur le monde d’aujourd’hui ? Comment est-elle utile aux salariés ? On l’a compris, c’est une organisation qu’il faudra reconstruire. Et cela pourrait bien prendre du temps. Une seule chose est sûre : cette crise violente et peut être inéluctable, ne profite pour l’instant à personne et certainement pas à notre démocratie sociale déjà bien malade.
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