Cet article date de plus de neuf ans.

Japon : 26 universités ferment parce qu'elles sont inutiles

Incroyable histoire : au Japon, le gouvernement vient de décider de fermer 26 universités de sciences humaines et sociales, sous prétexte qu’elles ne sont pas assez "utiles" à l’économie du pays.
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Franceinfo (Franceinfo)

 C’est une énorme polémique qui a éclaté au Japon, où le  ministre de l’éducation vient en effet d’adresser une lettre officielle à 26 présidents d’universités en leur demandant, je cite : "D’abolir ou de convertir les départements de sciences humaines et sociales pour favoriser des disciplines qui servent mieux la société", entendez notamment l’ingénierie, les sciences dures et les sciences naturelles. Les sciences humaines et sociales sont donc jugées « inutiles », pas assez productives pour l’économie. L’affaire fait scandale. L’un des présidents d’université s’est insurgé contre la posture « anti-intellectuelle » du gouvernement qui veut évaluer l’apprentissage académique et les sciences en termes « utilitaires ». Les deux universités les plus prestigieuses, celle de Tokyo et Kyoto ont déjà annoncé qu’elles n’appliqueraient pas cette directive. Elles sont entrées en rébellion. N’empêche que 17 universités, elles, ont déjà décidé de cesser de recruter des étudiants dans les départements des sciences humaines.

Il y a toujours eu pourtant, au Japon, Vincent, des liens très forts entre les entreprises et les universités…

Cette politique a d’ailleurs contribué au succès du Japon jusque dans les années 80, il faut savoir que dans ce pays, les politiques de l’enseignement supérieur sont sous le contrôle d’un conseil pour la compétitivité industrielle dans lequel siègent pas moins de sept grands patrons, autant de ministères et deux présidents d’universités spécialisés dans les domaines de l’ingénierie et de  l’économie. Surtout, pas de sciences humaines.

En même temps, cette décision témoigne d’une fébrilité certaine du pouvoir politique qui ne parvient pas à sortir ce pays vieillissant d’une méchante torpeur dans lequel le Japon est tombé il y a plus de quinze ans. Cet été, la croissance s’est même encore rétractée, en dépit des politiques de relance extrêmement volontaristes conduites par le premier ministre Shinzo Abe.  Celui-ci a donné même son nom une théorie économique, les Abenomics, une sorte de thérapie de choc keynésienne, avec un plan massif de relance publique de plus 175 milliards, et avec une politique monétaire ultra accommodante de la banque centrale qui ne cesse d’injecter de l’argent dans l’économie.

Et pourtant, ça ne marche pas vraiment ?

Et bien, non, on a cru voir un moment des signes du réveil de l’économie japonaise mais non, elle vient de rechuter. Malgré la baisse de 30% du Yen en trois ans et la forte hausse de la bourse, les investissements restent limités et les salaires ne décollent pas. Le Japon demeure plombé d’abord par sa démographie, voilà un pays de vieux dont la population diminue, sous le coup d’une natalité parmi les plus faibles du monde. Un pays plombé aussi par une dette effroyable qui dépasse les 225% du Pib. C’est à croire que dans ce pays décidément, on achève bien les jeunes, les étudiants en sciences humaines comme tous les autres.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.