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Le marché des paris sportifs : une explosion record et très peu de gagnants

Le marché des paris sportifs, une manne qui augmente d'année en année : quatre millions et demi de joueurs en France et huit milliards d’euros misés en 2021. Le magazine "60 Millions de consommateurs" publie une enquête au titre évocateur : "Paris en ligne, tous perdants".

Article rédigé par Catherine Pottier, Ersin Leibowitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les paris sportifs et leurs plateformes, un marché qui explose et beaucoup de perdants. (Illustration) (IMAGE SOURCE / IMAGE SOURCE / GETTY IMAGES)

On ne sait pas qui va remporter la Coupe du monde de football au Qatar, mais on sait déjà que les sites de paris sportifs vont bien en profiter. Le journaliste Lionel Maugain publie ce mois-ci une enquête : "Paris en ligne tous perdants", dans le magazine 60 Millions de consommateurs. Tous perdants, sauf les plateformes de paris sportifs qui vont engranger des bénéfices records.

franceinfo : C'est un marché qui explose actuellement ?

Lionel Maugain : Ah oui, c'est impressionnant. L'an dernier, en 2021, l'activité de cette industrie a connu une augmentation de 44%, soit 8 milliards d'euros de paris sportifs. On compte aujourd'hui 4 500 000 joueurs en France. Et en moyenne, ils parient plus de 300 euros. En 2018, en Russie, la Coupe du monde avait généré 700 millions d'euros de mises, et cette année, on va probablement dépasser le milliard. 

On sait que la jeunesse des quartiers populaires est la cible privilégiée des sites de paris en ligne. Quel est le poids des influenceurs pour les inciter à miser de l'argent ? 

Oui, c'est un des problèmes de ce secteur. Les plateformes draguent ouvertement les jeunes, parfois mineurs, en recourant à la rémunération d'influenceurs, très présents sur Tik Tok, Snapchat, Twitch ou Instagram. Et malheureusement, ça fonctionne, puisque on peut constater que 10% des 15/17 ans ont déjà engagé au moins un pari en ligne l'an dernier, alors qu'en principe, c'est interdit aux mineurs. 

Mais la grosse escroquerie de tout ça apparemment, c'est qu'on gagne rarement. Est-ce qu'on a des chiffres ? 

C'est ça qui est extraordinaire dans cette activité, c'est que les gagnants sont très rares. Selon l'Autorité nationale des Jeux, sur la totalité des 4 500 000 joueurs en 2021, seuls 27 500 ont gagné plus de 1 000 euros, ce qui fait moins de 1%. Et puis, ceux qui ont gagné plus de 10 000 euros sont encore moins nombreux. Évidemment, ils sont 0,03% des joueurs. Donc on ne gagne quasiment jamais à ces jeux. 

Et le pire, c'est qu'on a des risques de perdre ces gains, si on gagne trop souvent, c'est quand même incroyable ? 

Oui, c'est ce qu'on révèle aussi. C'est que si vous faites partie de la minorité des joueurs qui gagnent, là, vous avez de gros problèmes pour récupérer vos gains parce que vous êtes la cible des bookmakers, et puisque vous allez être bloqué, vous n'allez plus pouvoir jouer. Vous êtes signalé en rouge comme étant une menace pour l'activité de ces sites, et vous ne pourrez pas toucher vos gains. On a interrogé un avocat qui a plus de 1000 joueurs – qui sont en procédure contre ces plateformes qui ont gagné parfois plusieurs dizaines de milliers d'euros. 

Les grandes plateformes classent-elles les parieurs par couleur ? 

Oui, alors on pourrait penser que sont signalés en rouge les joueurs compulsifs qui jouent tout le temps. Mais c'est l'inverse. Les joueurs qui sont dans l'addiction sont signalés en vert, et on va les inciter à jouer de plus en plus. En revanche, les joueurs qui gagnent de temps en temps sont signalés en rouge, et donc quand ceux-ci font un pari, la plateforme parfois l'annule ou change la cote, ce qui est complètement déloyal.

Est-ce qu'il peut y avoir des sanctions à l'encontre de ces sites déloyaux ? Est-ce que c'est du ressort du Code de la consommation ? 

Oui. On a obtenu le fait que les joueurs soient considérés comme des consommateurs. Donc le Code de la consommation peut tout à fait s'appliquer. Maintenant, l'Autorité nationale des jeux dispose effectivement d'un pouvoir de sanction. Ils nous ont assuré qu'ils l'utiliseraient, et ça peut aller jusqu'à retirer l'agrément de certaines plateformes qui abusent de ces clauses abusives ou qui ont recours à de la publicité de nature à induire en erreur, ou de la publicité trompeuse. 

L'autre grand gagnant finalement de cette industrie nouvelle, c'est l'État, parce que lui aussi touche sa part du gâteau ?

Oui, alors, bien sûr, il y a la TVA, mais il y a aussi une taxe qui porte sur le produit brut des jeux, c'est-à-dire la différence entre les sommes misées et celles qui sont reversés aux gagnants. Donc c'est une taxe de 33,8% et selon nos calculs, elle a rapporté près de 460 millions d'euros à l'Etat en 2020. 

Il faut donc faire attention si on a envie d'aller parier à l'étranger ? 

Alors effectivement, avec cette taxe, les cotes des sites français paraissent moins intéressantes que les sites étrangers. Mais attention, sur les sites étrangers, il est parfois difficile, là encore, de récupérer ses gains. Mais il y a un conseil qu'on peut globalement donner aux personnes qui seraient intéressées pour se lancer dans cette activité et qui y sont très fortement incitées – puisqu'il y aura plus de 250 millions d'euros d'investissements publicitaires à l'occasion de la Coupe du monde – c'est d'éviter de le faire, d'une part parce qu'on ne gagne quasiment jamais et d'autre part, quand on gagne, on n'arrive pas à toucher ses gains.

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