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franceinfo conso. Et si on quittait WhatsApp ? Le business des messageries instantanées

Un dossier sur les messageries instantanées aujourd'hui dans "franceinfo conso", avec Benjamin Douriez, rédacteur en chef  du magazine "60 Millions de consommateurs".

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'enquête de 60 Millions de consommateurs nous explique comment fonctionnent les messageries instantanées. "Quand c'est gratuit, c'est vous le produit !"(Illustration) (GIUSEPPE MANFRA / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Telegram, TwinMe, Signal,  et surtout la plus connue, WhatsApp : franceinfo conso décrypte aujourd'hui l'enquête sur les messageries instantanées publiée par le magazine 60 Millions de consommateurs, avec son rédacteur en chef, Benjamin Douriez

franceinfo : WhatsApp est dans le collimateur des utilisateurs depuis le début de l’année, pourquoi ?

Benjamin Douriez : Si vous utilisez l’appli, vous avez sans doute vu passer depuis le début de l’année des messages vous alertant d’une mise à jour des conditions d’utilisation. Le souci, c’est que cette mise à jour semble ouvrir la porte à des transferts de données plus étendus au sein du groupe Facebook, la maison-mère de Whatsapp. L’annonce début janvier a provoqué un tollé : l’entrée en vigueur des nouvelles conditions, qui étaient prévue en février, a été repoussée. Ce sera le 15 mai, mais c’est toujours prévu.

C’est d’autant plus incroyable qu’en 2014, lorsque Facebook a racheté whatsApp, le groupe mettait justement en avant le respect de la vie privée ?

Chez WhatsApp, on disait à l’époque : "Le respect de la vie privée, c’est dans notre ADN". Mais assez vite, on a compris qu’être lié à Facebook, ce n’est pas anodin pour les utilisateurs de la messagerie. En 2016, WhatsApp les a invités à accepter le partage de certaines données. A l’époque, c’était facultatif. Là, avec la mise à jour de cette année, cela devient obligatoire.

Mais quand on dit "partage de données", ça concerne quels types de renseignements ?

D’abord, il faut préciser ce que cela ne concerne pas le contenu des conversations, ou les photos que vous envoyez à vos amis. Tout cela reste totalement privé – et heureusement ! En revanche, WhatsApp pourra faire remonter vers Facebook le numéro de téléphone, les données de connexion (modèle de smartphone utilisé, heure de connexion…).

Et ça veut dire qu’on peut retrouver ses données personnelles sur Facebook sans y être inscrit ?

Non, pas vraiment ! On ne va pas retrouver cela accessible publiquement sur Facebook. Mais ces données, en quelque sorte votre profil d’utilisateur, certaines habitudes de connexion, pourront être utilisées plus facilement au sein du groupe Facebook. L’entreprise explique que c’est pour faciliter les échanges entre les utilisateurs de WhatsApp et les entreprises – pour que WhatsApp puisse aussi être une plateforme d’échange entre les entreprise et leurs clients. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Aujourd’hui, ce n’est pas très clair. Comme souvent chez Facebook, en matière d’utilisation des données personnelles. C’est aussi ce flou sur la finalité de l’opération qui inquiète.

Aujourd’hui, quels sont les concurrents de WhatsApp et comment fonctionnent-ils ?

Il y en a beaucoup, qui ont un fonctionnement assez similaire à WhatsApp : ce sont des messageries permettant d’avoir des conversations éventuellement en groupe, de passer des appels. Certaines ont vu leur nombre d’utilisateurs décoller avec la polémique concernant WhatsApp. On peut citer Signal, c’est le concurrent le plus connu qui a d’ailleurs été fondé par un ancien de WhatsApp. Ou encore Telegram, née en Russie – on sait que certains hommes politiques l’utilisent. D’autres moins connues comme Olvid, TwinMee, Threema. On détaille les principales dans notre enquête. 

Et en terme de protection des données, quelle est la messagerie qui vous semble la plus sûre ?

D’abord toutes, y compris WhatsApp, proposent le chiffrement des messages – plus exactement le chiffrement de bout en bout – qui garantit que les conversations ne pourront pas être interceptées. Est-ce qu’il y a un champion en protection des données ? Les concurrents peuvent aussi avoir des défauts, mais on peut noter que certains, Signal/Telegram/Threema, sont des logiciels "open source", c’est-à-dire que le code qui fait fonctionner l’appli est public – c’est une garantie de transparence et de sécurité.

Plus globalement quitter WhatsApp pour une messagerie concurrente, c’est surtout s’éloigner un peu du giron de Facebook et de sa réputation sulfureuse en matière de données personnelles.

Mais est-ce qu’il y a des moyens de se protéger ?

En matière de confidentialité, il ne faut pas se reposer aveuglément sur la messagerie qu’on utilise. Il y a des choses qui se règlent, qui se paramètrent, et qui sont importantes à connaître. Donc dans les réglages de son compte, on peut par exemple, désactiver le "vu à", qui permet aux autres de savoir si vous avez lu leurs messages. On peut aussi avec la plupart des messageries choisir que ces messages soient éphémères, c’est-à-dire qu’ils s’autodétruisent après quelque temps.

Changer de messagerie c’est une chose, mais comment on fait pour rester en contact avec ses amis ? Parce qu’il n’y a pas de connexion entre les différentes applications ?

C’est vrai que changer, ça nécessite un effort. Parce qu’il faut que vos amis, vos proches changent aussi, qu’ils basculent sur la même messagerie que vous. Ou alors, il faut jongler entre plusieurs messageries qui, effectivement, ne communiquent pas entre elles. Soit la nouvelle messagerie accède à votre liste de contacts pour vous connecter à vos amis s’ils possèdent un compte. C’est simple, mais ça veut dire que la messagerie accède à vos contacts. Sinon, d’autres messageries fonctionnent par des codes qui peuvent s’envoyer par mail par exemple pour inviter vos amis.

D’un point de vue économique, comment fonctionnent toutes ces messageries ?

C’est toute la question pour ces messageries gratuites. Car l’adage dit : "Quand c’est gratuit, c’est vous le produit". On l’a évoqué pour WhatsApp, où l’on croit comprendre que la messagerie veut se servir des utilisateurs et de leurs données pour vendre des services à des entreprises. D’autres font des choix différents. Telegram notamment a annoncé l’arrivée de publicité, d’options payantes. Signal, c’est différent, c’est un organisme à but non lucratif, qui vit grâce à des dons.

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