Le Covid-19 destabilise complètement les systèmes de santé en Espagne, en Tunisie et au Royaume-Uni
Dans Le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir tout ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, nous nous intéressons aux systèmes de santé démunis face au Covid-19. Direction l'Espagne, la Tunisie et le Royaume-Uni.
La France multiplie les mesures pour éviter la saturation des hôpitaux. Face au Covid-19, les pays tentent de s'organiser pour ne pas revivre la crise du printemps. Direction l'Espagne, la Tunisie et le Royaume-Uni.
En Espagne, plusieurs villes sont sous cloche
C’est le cas de la capitale Madrid depuis samedi dernier, et à partir de ce mardi 6 octobre à minuit, de León et Palencia. Les habitants peuvent sortir de chez eux, mais pas de leur ville, ou en tout cas pas sans raison valable. Ces mesures sont prises, entre autres motifs, parce que les taux d’occupation des hôpitaux sont préoccupants. Outre le taux de cas positifs, pour appliquer ce qu’on appelle ici un "confinement périmétrique", il faut que les lits en soins intensifs de la région soient occupés au moins à 35% par des cas de Covid-19. À Madrid on est officiellement à 42% en comptant tous les lits, y compris ceux qui ont été rajoutés depuis la pandémie. Des lits qui ne sont pas tous aussi bien préparés que les "lits traditionnels". Selon le calcul des médecins des hôpitaux madrilènes, on est en réalité à 110% d’occupation des lits de soins intensifs qui existaient avant la pandémie.
Les hôpitaux sont pleins et les centres publics de santé, consultés en amont, sont débordés. C’est dans ces centres que la grande majorité des Espagnols consultent leur médecin de famille. Maribel Giraldez, médecin dans un centre de santé à Carabanchel, un quartier populaire du sud de Madrid, indique que la situation est intenable. "Dans ce centre de santé, on couvre les besoins de 48 000 habitants. Chaque professionnel s’occupe chaque jour d’environ 60 patients, que ce soit en rendez-vous présentiel ou au téléphone. On est 15 médecins le matin, 15 médecins l’après-midi, mais quand on travaille le matin, on reste jusqu’à 16h, 16h30, 17h. Et, franchement, on n’arrive pas à faire face au travail énorme que l’on doit effectuer en ce moment. On est absolument débordés." Les chiffres montrent néanmoins un début de ralentissement des hospitalisations à Madrid.
En Tunisie, des hôpitaux menacés de saturation
Le personnel soignant est d’autant plus en colère que le pays avait réussi – en imposant des mesures très strictes – à gérer la première vague mieux que la plupart des pays. Aujourd’hui, c’est l’inverse. La courbe donne le vertige. 20 000 cas positifs confirmés dans le pays à l’heure actuelle. Le système de santé commence déjà à craquer. Les services de réanimation manquent de personnel, de lits aussi. L’inquiétude des médecins se transforme souvent en colère contre les autorités qui refusent de remettre en place des mesures strictes pour endiguer la pandémie.
Plusieurs manifestations du personnel médical ont eu lieu aussi ces derniers jours. L’objectif est également de réclamer des équipements de protection. Une femme médecin urgentiste épuisée écrivait récemment sur facebook : "Avant cela, l’idée de quitter mon pays pour travailler à l’étranger m'était inconcevable. Que Dieu maudisse ce pays ! Aucune éthique, aucune conscience. Nous n’avons plus que nos yeux pour pleurer nos morts !" Elle fait partie de ces médecins qui dénoncent depuis des semaines les comportements des autorités qui n’en font, selon eux, pas suffisamment pour protéger la population.
Des hôpitaux de campagne doivent être mis en place dans plusieurs villes, selon le ministre de la Santé. Il faudra faire en sorte de doubler le nombre de lits de réanimation d’ici fin novembre. Mais il faut dire que les autorités sont coincées. Les caisses de l’État sont vides. Et l’économie ne peut pas se permettre un nouveau confinement.
Au Royaume-Uni, un bug informatique inquiète
Le National Health Service [le système de santé publique au Royaume-Uni] n’est actuellement pas débordé mais alerte pour la suite : pénurie de médicaments ou impossibilité de traiter d’autres pathologies. Les personnels de santé observent l’augmentation constante des contaminations avec inquiétude. Mais ce qui occupe l’attention aujourd’hui, c’est un autre problème, informatique celui-là. Un bug informatique provoque une augmentation des contaminations en Angleterre. Les services de santé courent désormais après 48 000 personnes qui ont été en contact avec des cas positifs entre le 25 septembre et le 2 octobre. Ces personnes auraient dû être prévenues et mises en quarantaine dans les 48 heures. Mais les informations ne sont jamais arrivées à bon port.
Le fichier Excel utilisé par Santé Publique Angleterre, dans lequel sont consignées les personnes testées positives dans des laboratoires, a été débordé par la masse d’informations. En principe, les laboratoires envoient les résultats qui sont ensuite centralisés. Toutes les personnes déclarées en contact avec les cas positifs doivent être prévenues et placées en quarantaine. Sauf qu’entre le 25 septembre et le 2 octobre, des milliers de noms n’ont jamais atteint les autorités. Il faut donc maintenant contacter en urgence 48 000 personnes, 48 000 vecteurs potentiels du virus.
Ces gens ont été en contact direct avec des cas positifs. Ils auraient dû être prévenus dans les 48h qui suivent le test positif de la personne qu’ils ont fréquentée. Les effets du bug sont déjà visibles sur les contaminations. Dans le nord du pays, là où se trouvaient la majorité de ces personnes testées positives, le nombre de contaminations a littéralement explosé ces derniers jours. A Manchester, par exemple, le taux d’infection est monté à 529 cas pour 100 000 personnes, un record dans le Royaume. Une semaine plus tôt, on était à 247. Et dans les villes de Nottingham, Leeds, Sheffield, Liverpool, Newcastle… la courbe a suivi le même tracé vers le haut. Au point que la question de confinements locaux se pose désormais.
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