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La Suède et l'Irlande veulent renforcer leur armée face à la menace russe

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction la Suède et l'Irlande, deux pays européens qui ont fait le constat de leur vulnérabilité militaire face à Moscou.

Article rédigé par franceinfo, Frédéric Faux - Laura Taouchanov
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Depuis 2014, la Suède a renforcé sa présence militaire sur la base de Gotland. (ANDREAS BARDELL/AFTONBLADET / TT NEWS AGENCY)

Face à la menace d'une intervention militaire en Ukraine, le Royaume-Uni a envoyé, jeudi 10 février, 350 soldats en Pologne. Un peu plus tôt, le Danemark annonçait l'arrivée prochaine de soldats américains sur son sol dans le cadre d'un nouvel accord bilatéral. La pression militaire de Moscou pousse également la Suède et l'Irlande à augmenter le budget de leur armée.

La Suède a renoué avec la culture militaire

En Suède, le désir de réarmement ne date pas de l'épisode actuel de tension entre la Russie et l’Ukraine, cela remonte en fait à 2014. Avant cette date, le pays avait complètement baissé la garde. Le mur de Berlin était tombé, plus personne ne tremblait en regardant vers l’Est. Stockholm avait réduit son budget militaire avec des coupes chaque année, des casernes fermées et vendues au privé, des bases démantelées. Et puis il y eu l’attaque de la Russie contre la Crimée. Un haut gradé suédois avait alors dénoncé publiquement l’état de son armée en disant que face à une attaque russe, elle ne pourrait tenir que quelques jours.

Le revirement a donc eu lieu il y a huit ans. D’abord avec des moyens supplémentaires. La Suède est passée d’un budget militaire de quatre milliards en 2013 à neuf milliards en 2025. L’enveloppe va donc plus que doubler. Cela permet à l’armée suédoise de s’équiper et d’étoffer ses rangs. À la fin de la Guerre froide, la Suède était une armée importante au niveau européen, avec 21 brigades de 5 000 hommes. En 2015, au point le plus bas, il ne restait plus qu’une seule brigade. Cela vous donne une idée du retard à rattraper.

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Comment la population a-t-elle réagi à ce retour en force de l’armée ? La question a son importance dans un pays plutôt neutre, qui n’a pas connu de conflit sur son territoire depuis deux siècles. Une nation où la carrière militaire et les intérêts militaires n’étaient pas tellement considérés, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais ça aussi, ça a changé, notamment avec le rétablissement du service militaire. L’objectif, pour l’instant, est de recruter 8 000 conscrits par an. Et puis il y a aussi les nombreuses manœuvres que l’armée suédoise réalise maintenant dans tous le pays, les casernes qui ont rouvert. Les Suédois ont pris l’habitude de revoir leurs soldats.

La crise ukrainienne a encore renforcé la position des militaires. Vladimir Poutine en s'opposant à l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan accentue les tensions avec les pays membres de l'organisation dont la Suède. Les soldats suédois se sont déployés sur l’île de Gotland, leur base stratégique en mer Baltique. Mais il y a un autre phénomène dont on a moins parlé et qui est révélateur : en janvier, pendant cette crise, près de 1 000 Suédois ont postulé pour rejoindre la Garde nationale, c’est plus du double de la normale. Cela montre vraiment que ce soutien aux militaires suédois n’est pas seulement le fait du gouvernement.

L'Irlande veut pouvoir se défendre seule

Le gouvernement irlandais est lui-aussi encouragé à renforcer sa défense notamment pour faire face à la menace russe. C’est le résultat d’un rapport de la Commission des forces de défense irlandaise qui évoque la menace terroriste dans le monde mais surtout les activités russes. Moscou est en effet en train de mener des exercices au large de la côte Sud de l'île, ce qui, dans le contexte de la crise ukrainienne, est perçu comme une provocation. Et l’État irlandais est clairement incapable de se défendre.

Le constat est plutôt alarmant : l'Irlande, ce pays historiquement neutre n’a tout simplement pas de défense crédible pour se protéger en cas d’agression étrangère. Il faudrait donc 24 avions de combat pour sécuriser son espace aérien alors que le pays n'en a aucun aujourd’hui. Le budget de la défense irlandaise est le plus bas de l’Union européenne. En cas d’intrusion aérienne étrangère, un accord prévoit ainsi l’intervention des forces britanniques. Mais les Irlandais ne veulent plus uniquement compter sur leurs alliés pour se protéger.

Le rapport suggère aussi au gouvernement irlandais de renforcer sa flotte navale avec 12 navires supplémentaires pour couvrir toute sa zone économique exclusive. C’est dans ses eaux que devaient initialement se tenir les entraînements de l’armée russe ce mois-ci. Ils ont été déplacés face à l'opposition du ministre des Affaires étrangères et de quelques pêcheurs irlandais furieux.

Mais le problème est que l’Irlande fait face à une importante pénurie de personnel dans l’armée. Pour naviguer ces bateaux ou faire voler ces avions il faudrait 10 000 hommes en plus. L'Irlande ne les a clairement pas pour le moment. Les salaires bas et les conditions de travail régulièrement dénoncées par l’armée ont créé une sorte de crise des vocations. D’où cet autre mention dans le rapport : l'Irlande est trop engagée dans des missions de maintien de la paix à l'étranger.

Le ministère de la Défense a dépensé près de trois millions d'euros ces cinq dernières années pour envoyer ses militaires aux quatre coins du monde. Des opérations de sauvetage de migrants en Méditerranée ou des missions de l'ONU en Afrique, au Moyen-Orient et dans les Balkans. Ces interventions coûtent très cher puisque l’Irlande ne dispose pas de sa flotte aérienne. Dans la plupart des cas, les troupes voyagent soit sur des vols commerciaux ou sur des avions affrétés. Le rapport conclut que pour déployer une véritable armée opérationnelle, l'Irlande devrait doubler voire tripler son budget de défense annuel.

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