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Journée mondiale de lutte contre le sida : comment la Côte d'Ivoire et la Mauritanie dépistent et aident les personnes malades

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Côte d'Ivoire et la Mauritanie où les associations tentent d'aider les malades du sida au sein du continent le plus touché du monde.

Article rédigé par franceinfo - Amandine Réaux, Théa Ollivier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Des femmes passent devant une fresque murale peinte pour sensibiliser au VIH et au sida dans le bidonville de Kibera à Nairobi, au Kenya, le 1er décembre 2016. (DAI KUROKAWA / EPA / MAXPPP)

Mercredi 1er décembre marque la journée mondiale de lutte contre le sida. Près de 38 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, et deux tiers d'entre-elles se trouvent en Afrique. Focus sur la Côte d'Ivoire et la Mauritanie.

La Côte d'Ivoire, l'un des pays les plus touchés

La prévalence chez les adultes est de 3% mais elle est beaucoup plus élevée chez certaines catégories de la population. Les ONG les appellent les "populations clés" : les travailleuses du sexe, les hommes gays et les usagers de drogues. C'est auprès d'elles qu'il faut faire de la prévention et des tests de dépistage tous les trois mois. "Vu leur accès au service de santé qui est réduit dans plusieurs pays, compte tenu des questions de rejet social, de discrimination, des violences et du harcèlement étatique ou non, les lois et les politiques restrictives qui existent et la criminalisation des comportements, tout cela met les populations clés face à des risques accrus et qui affaiblissent également leur accès aux services de santé", explique Papa Abdoulaye Dème, l'un des responsables de Coalition plus, un réseau d'ONG qui lutte contre le sida. Pour les personnes testées positives, le traitement est gratuit.

Pour atteindre ces personnes marginalisées, les ONG embauchent des pairs éducateurs, des personnes issues de la communauté ciblée, une travailleuse du sexe ou un ancien usager de drogue par exemple. Des personnes qui connaissent parfaitement le terrain, qui sont capables d'identifier leurs pairs et de les inciter à se faire dépister. Car il ne faut pas oublier que le VIH c'est un sujet tabou : certains ne veulent pas prendre le risque d'être encore plus marginalisés. Et ces pairs éducateurs apportent un climat de confiance et de confidentialité.

Depuis l'an dernier, ces populations clés comptent une nouvelle catégorie par le gouvernement ivoirien : les personnes transgenres, en particulier les femmes transgenres. Auparavant, elles appartenaient à la même catégorie que les hommes gays alors que leur situation est spécifique. "Une étude, menée par Alliance Côte d'Ivoire, donne un taux de prévalence autour de 23,6% au sein de la communauté transgenre, explique Latiyah Orneill, directrice exécutive de l'association transgenre et droits. Huit femmes transgenres sur dix font le travail de sexe."

"Lorqu'elles ont des rapports non protégées, la rémunération est encore plus élevée, je pense que c'est l'une des raisons principales qui fait qu'il y a un fort taux de prévalence au sein de la communauté transgenre."

Latiyah Orneill, directrice exécutive de l'association transgenre et droits

à franceinfo

En dix ans, le nombre de nouveaux cas a été divisé par deux en Côte d'Ivoire, tout comme le nombre de morts. Mais attention, le virus touche de plus en plus de jeunes de 15 à 24 ans.

En Mauritanie, l'enjeu du dépistage et de la prise en charge d'une épidémie cachée

En Mauritanie, 23% des personnes au sein de la communauté homosexuelle sont infectées par le VIH, alors que le taux de prévalence n'est que de 0,3% dans la population générale. Pénalisées, stigmatisées, elles n'osent pas se rendre dans les structures de soin. "J'ai tout le temps peur, même pour la plus simple des maladies, même un bouton ou une infection, je ne peux pas aller à l'hôpital et je vais le cacher, ce qui peut même amener des complications jusqu'au décès, raconte Charihan, qui à 25 ans a souvent été victime d'insultes et de violences. C'est pourquoi nous avons souvent des IST [infections sexuellement transmissibles] et on le cache jusqu'à ce que ça se développe et que ça devienne une infection incurable."

Le code pénal punit de la peine de mort tout "acte contre nature avec un individu de son sexe". Même si la loi n'est pas appliquée, ces jeunes homosexuels préfèrent se faire dépister du VIH par des acteurs communautaires, sans jugement ou discrimination. Khatré est lui aussi homosexuel, il est fier d'aider sa communauté en travaillant pour l'association SOS Pairs éducateurs. "Nous, on accompagne dans un soutien psychologique et médical, explique-t-il. Si l'individu est homosexuel, c'est son orientation, cela ne nous concerne pas."

"Nous on se bagarre, on supplie la loi : donnez nous tous les droits pour la santé seulement. On ne se bagarre pas pour la liberté parce qu'on ne peut pas donner la liberté aux homosexuels en Mauritanie, c'est une République islamique."

Khatré, association SOS Pairs éducateurs

à franceinfo

Abdallahi Ould Sidi Ali, du secrétariat national de lutte contre le VIH/sida, assure que la société civile peut intervenir sans entrave sur tout le territoire. "La Mauritanie tire son code pénal du droit musulman, elle a signé des conventions universelles sur les droits humains et il y a une scission du pouvoir judiciaire, du pouvoir exécutif et politique, assure-t-il. L'État veut pénétrer ces populations pour améliorer la riposte contre le VIH-sida."

Sans le respect des droits humains, il est impossible d'éliminer le VIH-Sida d'ici 2030 rappelle ONUSIDA.

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