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Droit à l'avortement : quelle législation en Pologne, en Espagne et aux Pays-Bas

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction Varsovie, Madrid et Amsterdam où la position des responsables politiques concernant le droit à l'avortement est parfois radicalement différente. 

Article rédigé par franceinfo, Mathieu de Taillac - Damien Simonart,Laxmi Lota
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des manifestants pro-avortement à Varsovie, le 6 novembre 2021. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

La décision de la Cours suprême aux États-Unis de révoquer le droit constitutionnel à l'avortement a provoqué une onde de choc mondiale. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a par exemple, déploré une nouvelle "horrible", alors qu'en France le groupe Renaissance (ex-LREM) a annoncé, samedi 25 juin, le dépôt d'une proposition de loi pour inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. D'un pays à l'autre, les lois peuvent être très différentes sur cette question. Tour d'horizon.

En Pologne, l’une des lois les plus restrictives d’Europe

L’IVG est quasiment interdite. Il existe deux exceptions. Si la vie de la mère est en danger ou bien si la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste. Jusqu’à peu, une troisième exception autorisait l’IVG en cas de malformation du fœtus mais cette dernière a été abolie par le tribunal constitutionnel polonais en octobre 2020. Ce jugement a poussé des centaines de milliers de personnes à descendre dans la rue dans tout le pays. Depuis, au moins deux jeunes mamans sont décédées parce que les médecins ont eu peur de pratiquer un avortement tant que le fœtus était encore en vie alors qu’il y avait un risque grave pour la santé de leurs mères. Si bien qu’aujourd’hui, une Polonaise voulant se faire avorter doit le faire clandestinement ou subir l’intervention à l’étranger.   

>> Pologne : le parlement rejette une proposition citoyenne pour libéraliser la loi sur l'avortement

 Tant que les ultra-conservateurs du PiS soutenus par la puissante église polonaise sont au pouvoir, les chances de voir un assouplissement du droit à l’avortement sont quasi nulles. Pas plus tard que la semaine dernière, un projet de loi légalisant l’IVG jusqu’à la 12e semaine a été rejeté à une large majorité dès sa première lecture au parlement polonais. Paradoxalement, d’après plusieurs sondages, environ deux tiers des Polonais sont pour cette libéralisation. Mais dans le même temps, les militants pro-vie qui ont obtenu l’interdiction de l’IVG en cas de malformation du fœtus annoncent désormais vouloir se battre pour que l’IVG soit également interdite même si la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste.

En Espagne, l’avortement possible jusqu’à 14 semaines de grossesse  

L'Espagne est à l’avant-garde du combat pour les droits des femmes depuis une quinzaine d’années, notamment sur les violences machistes. Pour l’IVG, la législation a été réformée il y a plus de 10 ans. Il est désormais possible d’avorter librement avant 14 semaines. La réforme date de 2010. Jusqu’à cette date, l’avortement était possible uniquement dans trois hypothèses : en cas de viol, en cas de malformation du fœtus ou en cas de risque grave pour la santé physique ou mentale de la femme. Dans la pratique, le risque pour la santé mentale, était la justification de 90% des cas et fonctionnait en réalité comme une légalisation de facto de l’IVG.  

Depuis 2010, les femmes n’ont plus à justifier leur décision. Elles peuvent avorter jusqu’à 14 semaines. La loi précise simplement qu’elles doivent être informées des mesures de soutien à la maternité existantes et qu’un délai minimal de trois jours doit intervenir entre cette information et l’intervention.  

Et pourtant, on en peut pas dire que cette question fasse consensus au sein de la classe politique. Pour commencer, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a en son temps fait évoluer la réforme de ses prédécesseurs socialistes, essentiellement pour rétablir l’obligation de l’accord parentale pour les jeunes femmes de 16 et 17 ans. Et l’actuel gouvernement, celui de Pedro Sánchez, de gauche, veut à nouveau faciliter l’accès à l’IVG des mineures et également éliminer le rendez-vous d’information préliminaire.  

Au-delà des réformes et contre-réformes, le lobby pro-vie est bien organisé en Espagne. Il organise régulièrement des manifestations, comme dimanche 26 juin à Madrid. Il bénéficie aussi d’une large couverture. Lundi, une photo de cette manifestation, qui était loin d’une marée humaine, couvre par exemple les trois quart de la une du quotidien de droite ABC.

Au Pays-Bas, l'abolition du délai de réflexion 

L’IVG est légale depuis 1984 aux Pays-Bas. Une femme peut avorter jusqu’à 24 semaines de grossesse. C’est l’un des délais les plus longs d’Europe avec la Grande-Bretagne. Plusieurs patientes des pays voisins choisissent donc d’y avoir recours aux Pays-Bas. En moyenne 400 femmes belges par an se rendent dans le pays pour interrompre leur grossesse au-delà des 12 semaines légales en Belgique. Les Pays-Bas ont aussi l’un des taux d’avortement le plus bas sur le continent. Cela s’explique par la culture, l’accès aux moyens de contraception et l’éducation sexuelle donnée sans fausse pudeur à l’école en secondaire.  

>>Statut juridique, délais, conditions... On a dressé un état des lieux de l'accès des femmes à l'IVG en Europe

Les Pays-Bas vont plus loin en supprimant la contrainte du délai de réflexion pour pratiquer l’acte. Un délai de cinq jours était obligatoire entre un premier rendez-vous avec un médecin et l’avortement en tant que tel. Mais la chambre basse du Parlement a voté pour l’abolition de ce délai de réflexion en février dernier. Objectif : garantir une plus grande liberté de décision aux femmes.

Le Sénat a confirmé le vote il y a une semaine. Une interruption de grossesse peut désormais être effectuée le jour de la première consultation. Cet amendement “rend justice à l’autonomie des femmes et leur droit à l’autodétermination”, souligne le Parlement.

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