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Dangers liés à l'alcool : Des étiquettes sur les bouteilles en Irlande provoquent la colère des producteurs de vin en Italie

Après le feu vert donné par la Comission européenne, l'Irlande va afficher des étiquettes sur les bouteilles d'alcool pour sensibiliser aux risques présentés par la consommation. De quoi provoquer une levée de bouclier chez les producteurs italiens de vin.  

Article rédigé par Bruce de Galzain - Laura Taouchanov
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
En Irlande, des étiquettes pour alerter sur les risques vont bientôt apparaître sur toutes les bouteilles d'alcool (photo d'illustration). (FINN WINKLER / DPA)

Des étiquettes sur toutes les bouteilles d'alcool pour alerter sur les risques de cancers ou les problèmes de foie. Comme pour les paquets de cigarettes, la mesure va bientôt être mise en place en Irlande, après le feu vert de la Commission européenne. Si les autorités veulent sensibiliser davantage les consommateurs, la décision provoque la colère de l'Italie, premier producteur mondial de vin. 

Pour l'Irlande, qui affiche déjà l'une des consommations les plus élevées d'Europe, la mesure doit d'abord servir à faire baisser l'absorption d'alcool pendant la grossesse. Dans le pays, un bébé sur dix naît avec des troubles liés à l’alcoolisation fœtale et les messages de prévention sont encore très contradictoires. 

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"En Irlande, il y a 1000 nouveaux cas de cancers liés à l'alcool chaque année", détaille Sheila Gilheany, la directrice d’Action Alcohol Ireland, pour qui "même un ou deux verres par jour augmentent ce risque mais malheureusement les gens n'ont pas accès à cette information." La responsable déplore que l'Irlande affiche "un des taux d’alcoolisation fœtales le plus élevé du monde, on est au troisième rang. La plupart du temps c’est parce que les gens ne sont pas sensibilisés. Donc c’est le droit de base des consommateurs."  

D'après la commission européenne, l'étiquetage ne nuit pas au marché unique. Le gouvernement irlandais doit donc officialiser cette nouvelle loi dans les prochaines semaines. Les différentes filières auront ensuite trois ans pour s'adapter. 

Le feu vert de la commission jugé "extrêmement dangereux" en Italie

L'Italie n'a pas attendu ce délai pour réagir. Dans un pays où le vin est une religion, le ministre de l'Agriculture a qualifié de "très grave" cette décision irlandaise qui ne fait pas de différence entre le vin et les spiritueux. Selon Francesco Lollobrigida, la mesure ne "vise non pas à protéger la santé mais à influencer les marchés (...) en étiquetant le vin 'mauvais pour la santé', ils orientent la consommation vers des alcools forts et qui sont objectivement plus nocifs". 

"Le consommateur est ainsi convaincu que le vin est aussi mauvais que le whisky."

Francesco Lollobrigida, ministre italien de l'agriculture

La crainte s'oriente évidemment sur les exportations italiennes : le pays est le premier producteur et exportateur mondial avec un chiffre d'affaires de plus de 14 milliards d'euros (8 pour les seules exportations) mais doit faire face à la hausse des coûts de l'énergie, le prix des bouteilles en verre notamment, à la multiplication des imitations (on attend la décision européenne sur le Prošek croate, assez comparable au Prosecco italien) et donc désormais à une nouvelle forme de protectionnisme.

La législation ne concerne pourtant que l'Irlande, mais Rome reproche à Bruxelles de ne pas l'avoir écoutée, pas plus que la France, l'Espagne (les grands pays producteurs de vin), six autres pays européens ni même le Parlement qui se sont tous opposés à cet étiquetage. Le feu vert de la Commission européenne apparaît comme une sorte "d'assentiment silencieux, en fait un feu vert" d'après l'Union italienne du vin, qui déplore un "précédent extrêmement dangereux".

"L'emblème d'un style de vie"

L'Union du vin craint que la décision permette à d'autres états membres de prendre l'initiative d'introduire eux aussi ces étiquettes d'alerte sanitaire comparées à des "avertissements terroristes" par Coldiretti, le plus grand syndicat agricole. L'organisation estime que l'on ne peut pas assimiler "la consommation excessive de spiritueux typique des pays nordiques à la consommation modérée de produits de qualité à faible teneur en alcool devenus en Italie l'emblème d'un style de vie". Les producteurs des Abbruzzes conseillent de leur côté à l'Irlande d'investir dans des cours de formation et d'éducation destinés aux jeunes pour les mettre en garde contre les abus d'alcool.

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