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Covid-19 : la levée des brevets sur les traitements en discussion à l'OMS

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Article rédigé par franceinfo - Jérémie Lanche et Romain Chanson
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le siège de l'Organisation mondiale de la santé à Genève, le 7 décembre 2021. Photo d'illustration. (FABRICE COFFRINI / AFP)

La réunion est importante, mercredi 2 novembre, au siège de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à Genève. En jeu, une éventuelle levée des brevets sur les traitements et les diagnostics liés au Covid-19. L’idée, est de permettre à tous les laboratoires de pouvoir produire les outils de lutte contre le virus. Comme cela a déjà été fait, partiellement en tout cas, pour les vaccins. Mais comme pour les vaccins, l’OMS est divisée sur la question.

La levée des brevets sur les traitements anti-covid divise l'OMS

À ma droite l’Inde, l’Afrique du sud, le Brésil qui veulent pouvoir fabriquer librement des médicaments et des tests contre le Covid-19. À ma gauche, le Royaume-Uni, la Suisse et l’Union européenne qui affirment que cela tuerait la capacité d’innovation des groupes pharmaceutiques. Si cela vous rappelle quelque chose, c’est normal. C’était exactement la même confrontation au sujet des brevets sur les vaccins. La différence est que si tous les laboratoires dans les pays en voie de développement n’ont pas forcément la capacité de produire des vaccins à ARN messager, c’est bien plus facile de fabriquer des médicaments anti-Covid. L’effet d’une levée des brevets sur les traitements et les tests serait donc quasi-immédiat. Bien plus que pour les vaccins ou on peine encore à mesurer l’impact de la décision prise par l’Organisation mondiale du commerce en juin 2002.

Et ce d’autant plus qu’on produit maintenant plus de vaccins aujourd’hui qu’on n’en administre. Les compagnies pharmaceutiques martèlent que faire tomber les brevets ne permet pas de mieux lutter contre le virus. Une réalité dans un certain sens car les brevets sont un peu la face visible de l’iceberg. Il y a toutes les autres formes de propriété intellectuelle, comme les copyrights, les secrets industriels… et qui n’ont pas été levés dans le cas des vaccins anti-covid. C’est ce que dit Yuan Qiong Hu qui suit le dossier pour l’ONG Médecins sans frontières : "Pfizer et Moderna n’ont toujours pas partagé des éléments clefs de leur technologie à ARN. On voit même un phénomène inverse. Avec de plus en plus de procédures judiciaires lancées par ces compagnies à propos des brevets et de la propriété intellectuelle. C’est assez ironique de voir ça alors que pendant deux ans, les groupes pharmaceutiques et des États nous disaient que la propriété intellectuelle n’était pas le sujet." Yuan Qiong Hu fait référence à la récente plainte déposée par Moderna qui accuse Pfizer d’avoir violé son brevet sur le vaccin ARN. La preuve que les grands groupes ne sont pas prêts à lâcher du lest sur le terrain de la propriété intellectuelle. Cela pourrait dissuader nombre de petits labos dans les pays en voie de développement de se lancer sur le terrain du Covid-19, qu’il s’agisse de vaccins et peut être demain de médicaments, de peur de se retrouver devant les tribunaux.

La production du vaccin anti-Covid sur le continent africain se poursuit

L'Organisation mondiale de la santé n'a pas attendu la levée des brevets pour développer son propre vaccin contre le Covid-19. Il est en cours d'élaboration dans le laboratoire Afrigen, situé au Cap en Afrique du Sud. L'objectif est de créer un vaccin, indépendamment des grands groupes pharmaceutiques pour pouvoir ensuite le mettre à disposition du monde entier. Ce premier vaccin à ARN messager sera bientôt testé sur les humains.

Pour le moment ce sont des souris et des hamsters qui reçoivent ce vaccin avant d'être proposé à des humains au printemps 2023. Ce vaccin, c'est une copie du vaccin à ARN Messager de l'entreprise Moderna. Les scientifiques ont le droit de copier la formule mais la mise sur le marché peut ensuite être bloquée par Moderna qui a déposé des brevets, notamment en Afrique du Sud. Le laboratoire a dit qu'il ne ferait pas appliquer ses brevets dans les pays pauvres pour ne pas empêcher le développement de ces vaccins, mais ce n'est qu'une parole, rien n'a été signé et les ONG craignent que Moderna revienne sur sa décision donc cette incertitude c'est comme une épée de Damoclès au-dessus du développement de ce vaccin.

La diminution des cas de Covid-19 et la fin des campagnes de vaccination ne menacent pas le développement de ce vaccin. Car il faut voir le développement de ce vaccin anti-Covid 19 comme un prétexte. Ce qui intéresse les scientifiques c'est la maîtrise de la technologie du vaccin à ARN Messager indépendamment des grands groupes pharmaceutiques. À termes, l'Organisation mondiale de la santé voudrait développer des vaccins contre la tuberculose, le VIH ou des maladies plus rares et qui intéressent moins les grands laboratoires comme la fièvre de la vallée du Rift et le virus du Nil occidental. Ce qui se joue dans les locaux d'Afrigen au Cap en Afrique du Sud, c'est l'avenir de la vaccination dans les pays pauvres. On parle ici d'un projet à 117 millions de dollars sur cinq ans qui doit permettre à 15 autres pays de s’approprier la technologie de l’ARN. Des scientifiques tunisiens et sénégalais sont d'ailleurs attendus au Cap au mois de décembre pour commencer ce transfert de technologie. Même si le Covid-19 disparaît, le développement de ce vaccin est primordial, même s'il ne sera peut-être jamais mis sur le marché, les scientifiques doivent prouver qu'ils savent faire un vaccin de A à Z.

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