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Climat : comment les actions "coups-de-poing" de Just Stop Oil au Royaume-Uni et de Last Generation en Allemagne sont-elles perçues ?

Au Royaume-Uni, les actions de blocage des routes des activistes du climat Just Stop Oil agacent aussi bien le gouvernement que l'opposition. Last Generation qui réalise des actions sensiblement similaires en Allemagne, semble, de son côté, perdre du crédit.
Article rédigé par franceinfo, Richard Place - Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un groupe de militants de Just Stop Oil organise un sit-in devant le 10 Downing Street et Trafalgar Square, le 3 octobre 2022. (MICHAEL MELIA / AVALON / MAXPPP)

En France, les activistes écologiques du mouvement Dernière Rénovation ont effectué, mercredi 9 Novembre, un sit-in sur le périphérique parisien, provoquant un embouteillage. Ils avaient déjà réalisé un mouvement similaire deux jours plus tôt. Ce style d'actions " coup de poing" se multiplie actuellement notamment en Allemagne avec le groupe Last generation ou au Royaume-Uni avec Just Stop Oil.

  • Au Royaume-Uni, les politiques très critiques vis-à-vis des actions de Just Stop Oil 

Le mouvement Just stop oil est né en Mars dernier. Depuis bientôt un mois et demi, les militants mènent des actions quotidiennes. 16 d’entre eux sont emprisonnés à cette heure. Le gouvernement britannique n’a pas de mots assez durs pour s’en prendre aux méthodes de Just Stop Oil et le ton se durcit même encore un peu plus depuis mercredi 9 novembre. L’action du jour se passait sur une autoroute très fréquentée. Les militants sont venus perturber la circulation aux aurores. Un motard de la police a été blessé lors d’une collision entre deux camions. Les autorités affirment que cet accident est dû aux perturbations créées par Just stop oil.

Le député de la majorité Grant Shapps, ancien ministre des Transports, sur la radio LBC, est venu dire tout le mal qu’il pense de cette manière de procéder. "C’est tout à fait scandaleux ! N’allez pas perturber la vie des autres, c’est totalement inacceptable, déplore-t-il. C’est illégal. Quand j’étais ministre des Transports, je m’étais assuré que les militants menant ce genre d’actions sur les routes, passent Noël en prison. J’espère que c’est ce qui va se produire. 

C’est complètement nul de déranger la vie des gens de cette manière. Il y a des manières tout à fait légales de militer contre le réchauffement climatique si c’est ce qu’ils veulent faire."

Grant Shapps, ancien ministre des Transports

à la LBC

Agacé par ces militants, le gouvernement joint le geste à la parole. Un projet de loi est débattu au Parlement actuellement. Il vise notamment à durcir les sanctions envers des manifestants qui se livrent à des actions illégales. Créer des peines plus lourdes, de la prison ferme pour les dissuader. Dans la majorité, il n'y a personne pour les défendre. Lors de la récente campagne, pour le poste de Premier ministre, les candidats rivalisaient de sévérité envers eux.

Les militants de Just Stop Oil ne trouveront pas non plus de soutien du côté de l’opposition. Là aussi, on dénonce leurs actions, même son de cloche chez les travaillistes. Empiéter sur la liberté des autres, ça ne passe pas du tout. "Je pense que c’est arrogant pour ceux qui se collent sur les routes, de penser qu’ils sont les seuls à avoir les réponses", assure Keir Starmer, leader de l’opposition, il retrouve des accents du procureur qu’il était dans le passé. Je ne sais pas comment ils peuvent regarder dans les yeux ces familles dont l’un des membres se trouve à l’arrière d’une ambulance bloquée. Ils ne pourraient certainement pas croiser mon regard si c’était ma mère, ma défunte mère malheureusement, dans cette ambulance."

Jusqu’ici il n’y pas eu de violence physique envers ces manifestants. Mais des automobilistes bloqués les écartent parfois sans ménagement de la route. Ce qui ne dérange ni les conservateurs, ni les travaillistes.

  • En Allemagne, le groupe Last generation perd en popularité 

En Allemagne, où les actions "coups-de-poing" se sont multipliées ces dernières semaines, les défenseurs du climat commencent à perdre en popularité. Certains s’interrogent sur le sens de ces happenings qui ont mobilisé la police pendant 130 000 heures ces six derniers mois et abouti à 1900 plaintes. Le vent a tourné pour les activistes après la mort d’une cycliste, la semaine dernière.

C’est ce qui a mis le feu aux poudres. La jeune femme a été renversée à Berlin par un camion pendant une manifestation du groupe Last generation. Des militants s’étaient collés les mains à la chaussée ce qui a créé des embouteillages et retardé l’arrivée des secours. La cycliste est décédée quelques jours plus tard. A lui seul, cet épisode a déclenché une avalanche de critiques contre les activistes. Un syndicat policier a appelé à interdire le mouvement, au nom de l’Etat de droit. L’opposition de droite conservatrice, la CDU/CSU a réclamé une nouvelle loi avec des peines plus sévères contre ceux qui bloquent le trafic. Le parti demande des peines de 3 mois à 5 ans de prison et estime que les manifestations pacifiques du début ont laissé la place à une contestation radicale et agressive. La coalition au pouvoir a repoussé l’idée et estime que l’arsenal législatif est suffisant. Un membre des Verts a ironisé en disant que dans ce cas, il fallait aussi poursuivre en justice les agriculteurs et leurs tracteurs ou les livreurs et leurs camions.

Oui, Le bien-fondé des actions menées est de plus en plus questionné. Quel rapport y-a-t-il entre les feux de forêt, les famines, les inondations, la sécheresse et des gens qui barbouillent de purée de pommes de terre un tableau dans un musée de Potsdam ? Beaucoup répondent : aucun rapport. Pareil quand on se colle à la route. "Les automobilistes bloqués ne font pas le lien avec le climat », estime chancelier Olaf Scholz. Il a d’ailleurs appelé les militants à plus de créativité. Dans un récent sondage, réalisé avant l’accident de la cycliste, 63% des personnes interrogées étaient en désaccord avec les activistes. Certains militants condamnent aussi des actions illisibles et contre-productives, et conseillent d’autres méthodes : bloquer directement les entreprises, les groupes gaziers, les exploitants de charbon plutôt que des automobilistes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive.

Réponse du groupe Last Generation : nous cesserons nos actions uniquement lorsque le gouvernement aura respecté son obligation constitutionnelle de protéger nos moyens d’existence et de nous protéger nous-mêmes.

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