Reportage
"Une reproduction à l'identique, au millimètre près" : au cœur du chantier de restauration de Notre-Dame de Paris, neuf mois avant sa réouverture

Il y a près de cinq ans, le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame était ravagée par un dramatique incendie. À un peu plus de huit mois de sa réouverture, prévue le 8 décembre, franceinfo vous emmène au cœur du chantier de restauration.
Article rédigé par Anne Chépeau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Les plaques de plomb sont déposées par une grue à proximité de la charpente sur laquelle travaillent les couvreurs. (ANNE CHEPEAU / RADIOFRANCE)

Près de cinq ans après l'incendie qui l'a grandement endommagée, à l’extérieur comme à l’intérieur, Notre-Dame retrouve un peu plus, jour après jour, son caractère exceptionnel. À une cinquantaine de mètres de haut, les couvreurs ont pris, depuis deux semaines, le relais des charpentiers dont le travail est à présent terminé. Jusqu’à l’été, ils vont recouvrir la charpente de plaques de plomb.

Rémi Pinkiewicz, chef de chantier de l'entreprise UTB travaille sur la couverture du chœur de Notre-Dame. (ANNE CHEPEAU / RADIOFRANCE)

Comme l’explique Rémi Pinkiewicz, dont l’entreprise assure la couverture du chœur, tout est extrêmement précis : "Chaque plaque de plomb a son positionnement propre sur la cathédrale. Ça veut dire qu'une plaque de plomb qui se trouve à gauche du chœur ne pourra pas se placer à droite du chœur."

"Chaque plaque de plomb est unique mais personne ne pourra voir la différence, le remarquer à l'œil nu. Ça fait partie des petits secrets de la cathédrale Notre-Dame."

Rémi Pinkiewicz, couvreur

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"On arrive a peu près à en poser entre dix et quinze par jour mais comme on va monter en effectifs dans les équipes, on essaye d'arriver à 40, 50 plaques par jour, poursuit Rémi Pinkiewicz. Juste sur le chœur on doit être à peu près entre 1 400 et 1 500 plaques de plomb à poser dans lesquelles vont être intégrées des petites lucarnes. Il y aura ce qu'on appelle des houteaux, des petites lucarnes décoratives, qui vont servir essentiellement à ventiler la charpente. Il y en aura un peu partout sur la cathédrale."

"On refait Saint-Martin tel qu'il a été imaginé par Viollet-le-Duc"

À l’extérieur, le travail se poursuit aussi sur les pignons du transept, pour quelques jours encore. Nicolas Clerget est sculpteur sur pierre et il vient d’achever, en atelier, la réplique de la statue de Saint-Martin qui va être reposée sur le pignon sud dans les prochains jours. "C'est une statue qui mesure 2,57 mètres, qui a demandé à peu près trois mois de travail, détaille-t-il. On a récupéré le vestige, remit les manques, restitué la crosse, des détails du visage, des mains... Et après on fait une reproduction à l'identique, au millimètre près. On refait la statue. On refait Saint-Martin tel qu'il a été imaginé par Viollet-le-Duc. Elle va être reposée, je pense, la semaine prochaine. Ça va être une récompense. Je vais l'accompagner jusqu'en haut et je ferai mon petit selfie sur place !"

Le grand orgue. (ANNE CHEPEAU / RADIOFRANCE)

À l’intérieur de la cathédrale, les travaux avancent également. Depuis quelques jours, on peut de nouveau voir le grand orgue, depuis la nef. Il était jusque-là masqué par une bâche. On le redécouvre en même temps que le vitrail de la rose occidentale de la façade ouest et ses extraordinaires couleurs. L’orgue n’est pas entièrement remonté : pour l’instant 1 000 des 8 000 tuyaux qui le composent ont été reposés. "On est en train de remonter ses tuyaux et en même temps, on procède à l'accord et à l'harmonisation parce qu'il faut pouvoir accéder aux tuyaux, décrit Philippe Jost, le président de l’établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame. C'est pour ça qu'on les accorde et qu'on les harmonise au fur et à mesure qu'on les remonte. C'est ce qui va commencer la semaine prochaine".

"Le montage se fait en partie de nuit parce que, pour l'harmonisation, il faut être dans un silence complet."

Philippe Jost, en charge de la restauration de Notre-Dame

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"C'est un travail qui va occuper tout le printemps et tout l'automne pour être prêt pour la réouverture, ajoute Philippe Jost. On n'imagine pas la réouverture de la cathédrale sans les sons qui lui donnent son âme : les cloches et l'orgue."

Au fil de l’avancée du chantier, on redécouvre donc l’orgue de Notre-Dame, mais aussi ses chapelles. Notamment les douze chapelles du chœur. À la chapelle Saint-Georges, toujours confinée pour la préserver de la poussière du chantier, la restauration des peintures murales est quasiment achevée, révélant le merveilleux décor coloré de Viollet-le-Duc, et, à la surprise générale, un autel qu’il avait créé pour cette chapelle.

La restauratrice de peintures murales Marie Parant devant l'autel créé par Eugène Viollet-le-Duc. (ANNE CHEPEAU / RADIOFRANCE)

"C'est la dernière chose qu'on a nettoyée dans les chapelles, explique Marie Parant, l'une des restauratrices. Il est en parfait état, très bien conservé".

"On a retrouvé cet autel en bois qui était encrassé. Il n'avait jamais été restauré depuis Viollet-le-Duc."

Marie Parant, restauratrice

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"Il a une gamme colorée impressionnante. Tout est doré à la feuille d'or, très bien posée. C'est de la belle feuille d'or, décrit la resturatrice. On a un émerveillement devant ce travail. Là, après le nettoyage, on a pratiquement rien à faire. C'est une belle surprise." 

Dans le chœur, le sol et les stalles en bois sont aussi en cours de restauration. Mais à l’intérieur de la cathédrale, le moment le plus attendu, c’est la reconstruction de la voûte de la croisée du transept, rendue possible par le démontage de l’échafaudage de la flèche. Une étape symbolique prévue à la fin du printemps.

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