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Reportage
"C'est une rustine" : aux urgences de Strasbourg, l'unité mobile d'accueil facilite les arrivées mais ne résout pas le manque de lits
Un préfabriqué pour accueillir les malades sur le parking des urgences de Strasbourg : l'image avait marqué, comme un symbole de la crise des urgences en France. La structure a été installée fin décembre par la direction de l'hôpital, pour mettre fin aux bouchons d'ambulances et de camions de pompiers. Deux mois plus tard, franceinfo dresse le bilan de l'opération.
Dans le préfabriqué, Édouard, 93 ans, est arrivé en ambulance pour une douleur au pied. Il prend son mal en patience, à moitié allongé sur un brancard : "Ce n’est certainement pas confortable". L'homme attend "depuis trois heures" et n'a pas encore vu de médecin : "Il faut dire que c'est une salle d'attente ici." Ce préfabriqué qui peut accueillir huit patients, ce n'est pas encore vraiment l'hôpital. Il est sous la supervision d'ambulanciers et le professeur Ferhat Meziani, chef du service des urgences, n'est pas satisfait du dispositif : "C'est la qualité de la prise en charge des patients qui questionne. La prise en charge est complètement dégradée. C'est une rustine."
"On est entre le marteau et l'enclume"
Une rustine, qui a en tout cas rempli son objectif : soulager les ambulanciers et les pompiers, qui n'en pouvaient plus d'être bloqués sur le parking pendant des heures avec leurs véhicules et leurs malades dedans, en attendant une place aux urgences. Le dispositif fonctionne, le parking est désormais vide mais pas le préfabriqué, ni les urgences, en revanche. "Ça n'avance en rien la prise en charge médicale et paramédicale, explique Stéphanie Rempp, cadre de santé des urgences. Ça bloque parce que dans un service d'urgences vous devez prendre tout le monde, qu'il y ait de la place ou pas. Il y a toujours énormément de monde dans les urgences."
Comme dans tous les hôpitaux de France, les urgences bouchonnent : des patients sur des brancards dans chaque recoin du service. Le Pr Meziani résume ainsi : "On est entre le marteau et l'enclume. Et souvent, malheureusement, c'est le patient qui en pâtit. C'est ça qui est difficile à supporter." Le marteau, c'est l'afflux continu de patients. Des malades qui arrivent aux urgences souvent parce qu'ils n'ont pas réussi à voir de médecin en ville. Et l'enclume, la sortie des patients du service.
À Strasbourg, c'est énorme : un patient sur trois aux urgences nécessite ensuite d'être hospitalisé. Entre 60 et 90 malades chaque jour. Sauf qu'il n'y a pas suffisamment de lits disponibles. Les patients attendent donc plus de 12 heures sur des brancards aux urgences. Et les soignants craquent. Le professeur Meziani parle de métier "brûle-vie" : "Beaucoup de professionnels qui étaient motivés, qui étaient engagés, se sont brûlé les ailes et donc ont changé de profession, de pays, de région et ont même démissionné."
La réouverture de lits d'hospitalisation au compte-gouttes
Alors la solution, c'est de rouvrir des lits d'hospitalisation. 20% ont fermé ces dix dernières années au CHU de Strasbourg. On est dans un mouvement inverse mais cela se fait au compte-gouttes, explique Céline Dugast, directrice générale adjointe de l'hôpital. "On a déménagé une unité de gériatrie qui nous a permis d'ouvrir quatre lits supplémentaires, indique-t-elle. On a rouvert des lits en soins continus à hauteur de huit lits, en pathologie thoracique à hauteur de deux lits et nous préparons l'ouverture d'une unité en chirurgie digestive. Donc dès que nous avons des possibilités de réouverture de lits, nous le faisons."
"On est au lit près"
Céline Dugast, directrice générale adjointe de l'hôpitalà franceinfo
"Aujourd'hui la situation du recrutement infirmier ne nous permet pas de prendre des engagements avec des ouvertures de 24 lits, des nuitées complètes etc. Il faut raison garder, chaque lit supplémentaire ouvert, c'est pertinent parce que ça permettra de fluidifier l'arrivée de nouveaux patients", poursuit la directrice générale.
La pénurie d'infirmiers ne permet pas de rouvrir autant de lits que le CHU le souhaiterait. Les soignants des urgences, eux, se sentent esseulés. Ils aimeraient que les cliniques privées et les Ehpad de la région leur donnent un coup de main supplémentaire. En attendant, le préfabriqué sur le parking, lui, va bientôt disparaître. Il sera remplacé par une structure semi-permanente.
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