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"On a tous des coups de mou mais on se reprend" : les soignants du Kremlin-Bicêtre solidaires face à la troisième vague de Covid-19

Le service de réanimation de l'hôpital est arrivé à saturation mais parvient encore à prendre en charge tous les malades, Covid ou non Covid. Les équipes espèrent que le pic de l'épidémie sera bientôt derrière eux pour ne pas avoir à trier les patients.

Article rédigé par franceinfo, Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dans un service de réanimation de l'AP-HP (Asistance publique - Hôpitaux de Paris) accueillant des patients atteints du Covid-19, en mars 2021. Photo d'illustration. (ALAIN JOCARD / AFP)

À l’hôpital du Kremlin Bicêtre dans le Val-de-Marne, les soignants espèrent que la mise en place d'un nouveau confinement, à partir du 20 mars, permettra de faire baisser le nombre de malades atteint du Covid-19 en réanimation. Mais ils savent que cela n'arrivera pas avant deux, trois semaines au mieux. Il y a toujours un décalage entre les contaminations et les arrivées à l’hôpital. Alors pour le moment, l’urgence c’est de gérer cette troisième vague et toutes ses incertitudes, estime le Pr Jean-Louis Téboul, le chef du service de médecine intensive/réanimation : "Est-ce qu'on est proche du pic - ce que l'on espère tous - ou est-ce qu'on est vraiment à l'approche du pic et on va avoir un tsunami dans les semaines qui viennent ? J'espère que non, tout le monde espère que non."

Une chaîne de services pour soulager la réanimation

Aujourd’hui, le service de Jean-Louis Téboul est plein mais il est encore serein : "Tous les patients qui sont dans ces chambres ici avec des portes rouges et tous les patients qui sont dans le secteur qu'on peut appeler jaune sont tous des patients Covid, c'est une saturation qui est pour le moment gérable." Cela veut dire qu’on peut encore soigner tout le monde, les patients qui souffrent du Covid et les autres. Le problème, c’est qu’au fil des jours, la part des patients Covid grignote sur ces lits dédiés normalement aux autres malades, hospitalisés pour un choc septique, une pneumonie sévère, ou une insuffisance rénale.

Alexia Aggad, cadre de santé insiste : "Il faut qu'on les soigne, c'est aussi ça qui nous inquiète dans cette troisième vague". Si un matin, dix patients Covid arrivaient, qu'adviendrait-il des autres ?

L'enjeu, c'est de sauver des lits pour pouvoir sauver tout le monde, ne perdre personne, qu'ils soient Covid ou non Covid.

Alexia Aggad, cadre de santé

à franceinfo

"On travaille avec d'autres services de l'hôpital qui sont des soins intensifs qui peuvent se transformer en réanimation, explique Alexia Aggad. Le bloc qui nous aide, la réa chirurgicale aussi qui prend nos patients de réanimation médicale, les patients Covid. Il y a toute une chaîne qui s'enclenche pour pouvoir ouvrir des lits de soins critiques."

Le transfert de patient, une bonne idée... Qui peut rarement s'appliquer

On le comprend, c’est une réorganisation complète de l’hôpital qui a lieu : ouvrir des lits dans d’autres services, transférer des soignants spécialisés, quitte à déprogrammer des interventions chirurgicales. Cela entraîne parfois une dégradation de l’état de santé des malades qui attendaient une opération. Ces patients, qui n’ont pas le Covid, pour le Pr Téboul, il ne faut pas les abandonner : "Voilà la chambre d'un patient qui a un syndrôme de Guillain-Barré qui n'est pas lié au Covid et qui nécessite une ventilation artificielle prolongée plusieurs jours voire plusieurs semaines. Ces patients-là il faut les prendre en réanimation, personne ne peut les prendre."

Pourrait-on soulager la pression à l'hôpital du Kremlin Bicêtre en évacuant certains patients Covid vers des régions qui ont davantage de place ? C’est une idée, une bonne idée même, mais comme le déplore le professeur Téboul : "On n'en a pas trouvé parce qu'il faut que ce soit des patients relativement graves mais aussi très stables. Voici un patient Covid grave - qui est endormi - allongé sur le ventre parce que l'on est obligé pour améliorer son oxygénation de faire des alternances sur le dos et sur le ventre. Cela améliore les échanges gazeux au niveau pulmonaire. Ce patient n'est pas transportable parce qu'il faudrait qu'il reste sur le dos pour le transport - les critères sont strictes - et c'est impossible."

La "réa family" pour tenir le coup

Alors dans le service de réanimation, les soignants se résignent et s’apprêtent à faire face à cette troisième vague qui est en train de monter. "On a tous des moments de coups de mou mais on se reprend, confie Alexia Aggad. On est une équipe, on appelle ça la 'réa family', on s'entraîde."

"On passe 12 heures ensemble, c'est notre famille parce que notre famille on ne la voit pas en dehors. C'est grâce à ça qu'on tient".

Alexia Aggad

à franceinfo

On tient aussi avec l’aide d’Anne-Laure, par exemple, infirmière de réa partie vivre à l’étranger il y a huit mois. Elle est bloquée en France depuis Noël à cause de la fermeture des frontières. En attendant de repartir, elle a réintégré la "famille" :  "On a un lien entre nous d'avoir vécu la première vague, d'avoir vu ce que c'était, c'était très dur. Et c'est encore plus dur pour eux qui sont là depuis un an et qui sont épuisés physiquement, mentalement donc on participe comme on peut." Et aujourd’hui, en réa, toute aide est bonne à prendre.

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