Cet article date de plus de deux ans.

Météo : pour faire pleuvoir ou éviter la grêle, ces pays qui envoient des produits chimiques dans les nuages

Alors que la COP26 se termine officiellement vendredi, franceinfo se penche sur les pays qui tentent d'influer sur la météo pour augmenter les précipitations pluvieuses. Entre risques pour la santé et pollution de l'environnement, ces pratiques ne sont pas anodines.

Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Au Centre national de météorologie d'Abu Dhabi, des experts sélectionnent les nuages à ensemencer pour favoriser les précipitations pluvieuses, le 12 novembre 2021. (JEROME JADOT / RADIO FRANCE)

Et si l'expression "faire la pluie et le beau temps" s'employait désormais au sens propre ? Au moment de la clôture officielle de la COP26, franceinfo a enquêté vendredi 12 novembre sur ces pays qui utilisent différentes techniques pour tenter de faire tomber la pluie ou, en tout cas, d'augmenter la quantité des précipitations qui tombent des nuages : Emirats arabes unis, Chine, Inde, Etats-Unis... Plusieurs Etats développent des programmes pour essayer de faire face aux effets du changement climatique.

Aux Emirats arabes unis, par exemple, un programme est en place depuis quinze ans. Les pluies y sont rares, les rivières inexistantes et la quasi-totalité de l'eau utilisée provient de la mer, après un passage par des usines de désalinisation. L'eau douce venue du ciel est donc précieuse. Le Centre national de météorologie des Emirats envoie donc des avions pour "ensemencer" les nuages, c'est-à-dire y mettre des particules pour accroître les pluies. Ces missions aériennes sont de plus en plus fréquentes : plus de 400 vols ont ainsi été organisés depuis le début de l'année 2021. "C'est presque comme être pilote de chasse", décrit Mats Dokakas, ancien pilote de l'armée suédoise, qui tient désormais le manche d'un des quatre Beechcraft. "On a un ordre de départ et ensuite, on fait l'inverse de ce qu'on enseigne à un pilote : on fonce dans le nuage alors qu'on doit d'habitude l'éviter." Avec ces avions à hélice, les pilotes vont donc se frotter aux nuages émiratis repérés et choisis par des prévisionnistes positionnés face à des écrans radars géants.

"On déclenche de petites fusées qui envoient des sels dans le nuage. Cela favorise la formation de goutelettes, qui retombent en donnant de la pluie."

Mats Dokakas, pilote pour le Centre national de météorologie des Emirats

à franceinfo

Les particules envoyées dans ces nuages sont un mélange de chlorure de sodium et de chlorure de potassium, des sels présentés sous la forme d'une poudre verte, contenus dans des petites fusées accrochées aux ailes des avions. "Les particules utilisées sont toutes petites. C'est comme de la fumée", détaille Omar al-Wazeedi, directeur recherche-développement du Centre national de météorologie d'Abu Dhabi. Il se défend de jouer aux apprentis sorciers : "On ne remplit pas le nuage avec cette matière, on en utilise seulement un kilogramme. Cela aide à enclencher le processus de formation de la pluie. Ensuite, ce processus continue de façon naturelle." Il assure aussi que les fusées sont en améliorations constante, "avec des nanoparticules encore plus efficaces" qui permettent d'optimiser de 5% à 30% la quantité de précipitartions issues d'un même nuage.

Cette technique reste relativement onéreuse : près de 2 000 euros le vol. Pourtant, Omar al-Wazeedi assure que cela revient moins cher que la désalinisation de l'eau de mer. Le processus est d'ailleurs régulièrement vanté dans des vidéos d'averses voire d'inondations mises en ligne par le Centre national de météorologie. Pour les Emirats arabes unis, il ne reste donc plus qu'à améliorer les capacités de récupération de cette pluie.

Un des quatre avions utilisés par les Emirats arabes unis pour ensemencer les nuages, en novembre 2021, à Abu Dhabi. (JEROME JADOT / RADIO FRANCE)

Au-delà des Emirats arabes unis, la liste des pays qui développent ce type de programmes est longue. Ainsi, la Chine veut faire pleuvoir davantage sur une zone grande comme cinq fois la France d'ici quatre ans. "A cause du changement climatique, les situations dans certains pays sont vraiment désespérantes et un certain nombre de pays font désormais ces expériences d'ensemencement", explique André Flossmann, professeure à l'université Clermont-Auvergne et co-présidente du groupement d'experts sur la modification du temps à l'Organisation météorologique mondiale.

Pourtant, ces techniques ne sont pas anodines, selon la scientifique. "Ces expériences ne sont pas toujours faites avec une rigueur scientifique. Pour caricaturer, on jette des substances dans chaque nuage qui passe pour voir ce qu'on peut faire. La plupart du temps, cela ne va pas avoir de conséquences." En effet, selon Andréa Flossmann, l'ensemensement d'un nuage provoque au mieux un gain de pluie de 15%.

En France, on tente d'éviter la grêle

La France tente elle aussi d'amadouer la météo, pas pour faire pleuvoir mais pour éviter la grêle, destructrice, notamment dans le Sud-Ouest. Dans l'Hexagone, on utilise pour cela de l'iodure d'argent. Ces techniques doivent être utilisées avec modération car elles peuvent avoir des conséquences environnementales. "L'iodure d'argent est une substance classée toxique si elle dépasse certains niveaux", alerte Andréa Flossmann. Si, pour l'instant, les seuils d'alerte ne sont pas dépassés, il faut rester vigilants selon elle. "Si on jette beaucoup de ces produits dans la nature, on pourrait courir des risques pour notre santé. Le sel n'est a priori pas toxique mais, en grande quantité au sol, cela peut poser des problèmes pour la végétation."

Les scientifiques sont plus directement inquiets vis-à-vis des tensions diplomatiques que pourraient générer les modifications de la météo. Ainsi, il y a trois ans, un général iranien avait accusé Israël de "vol de nuage".

Environnement : ces pays qui font pleuvoir - Reportage de Jérôme Jadot
Consultez lamétéo
avec
voir les prévisions

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.