Guerre en Ukraine : "Si ici ça se finit mal, il n’y aura plus d’espoir pour la Biélorussie", témoignent des volontaires biélorusses au front
Parmi ces quelques centaines de combattants biélorusses, ils sont 30 environ à avoir rejoint directement l’armée ukrainienne avec leur unité. Pour des raisons de sécurité, ces combattants souhaitent rester anonymes. Même leurs noms de guerre ont été changés, car leurs familles, restées en Biélorussie, pourraient être victimes de menaces. À tout juste 18 ans, Ricky est l’un des plus jeunes engagés volontaires.
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En 2020, celui qui n’était encore qu’un adolescent a participé à Minsk aux manifestations massives contre le régime d'Alexandre Loukachenko. Le jeune homme a dû fuir le pays, où il risque désormais la prison. S’il s’est engagé aux côtés des Ukrainiens, c’est pour une bonne raison. "C’est parce que je veux rentrer chez moi, explique-t-il. J’ai tout là-bas : ma famille, mes amis, ma maison, que je veux retrouver. Et sans armes à la main, je ne pense pas que ce soit possible."
"Sans une Ukraine libre, il n’y aura pas de Biélorussie libre."
Daddy, un volontaire biélorusseà franceinfo
Même chose pour Daddy, qui lui, a laissé femme et enfants à l’abri, à l’étranger, pour rejoindre le front il y a quatre mois. Cet engagé volontaire vient d’ailleurs tout juste d’être blessé, il a été touché à la main par un éclat d’obus."Venir au front est une décision qui a été très difficile à prendre. J’ai très bien compris que je ne venais pas participer à un safari. Je n’ai jamais vu ce qui se passe ici à travers des lunettes roses, je ne me fais pas d’illusions. Si, ici, en Ukraine, ça se finit mal, il n’y aura plus d’espoir pour la Biélorussie pour les 50 prochaines années."
Pour contribuer à libérer l’Ukraine, ces jeunes combattants se battent en première ligne. Leur unité a été créée tout récemment, au mois de juin 2023, par un ancien commandant de l’armée du régime d'Alexandre Loukachenko, qui a rejoint les rangs de l’opposition. Ce petit groupe combat au sein de la 79e brigade d’assaut aérien ukrainienne dans l’un des secteurs les plus difficiles du front, près de Marïnka, au sud-est de l’Ukraine.
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C’est là que combat une jeune femme d’une vingtaine d’année. Elle a choisi pour nom de guerre "AGS", trois lettres qui désignent un lance-grenade de conception soviétique. La jeune femme d’une vingtaine d’années s’est engagée sur le front dès le début de la guerre, avant de choisir cette toute nouvelle unité, pour son sérieux, et sa liberté d’action.
"Qu’est-ce que je n’ai pas fait ici en Ukraine ! dit-elle en riant. Je suis une militaire, en ce moment, je remplis quelques tâches médicales, mais mon métier ici, c’est lanceuse de grenades. Pourquoi nous avons rejoint cette unité ? Nous sommes passés par la légion étrangère, et avant ça, par le régiment de volontaires biélorusses Kalinowski. Mais j’en suis vite partie, je n’ai pas aimé la façon dont les choses étaient organisées là-bas. Et dans la légion, ils ne nous donnaient jamais de mission pour nous battre, ni de missions en fonction de nos compétences ou de notre préparation."
Une préparation rigoureuse
L’unité travaille particulièrement en ce moment avec de nouvelles armes anti-drones et s’est spécialisée dans les interventions nocturnes. Tchabor, 23 ans, condamné à deux ans de prison au Biélorussie pour avoir manifesté, n’a pas hésité une minute à rejoindre cette nouvelle unité. Il ne se voyait pas rester les bras croisés à l’étranger, sans rien faire. "Ici, je m’entraîne, je participe à des missions de combat, je vais directement à la ligne de contact avec l'ennemi. C’est une expérience colossale que tu ne peux acquérir nulle part ailleurs."
J’espère qu’en dépit de la répression qui sévit aujourd’hui dans notre pays, le peuple manifestera à nouveau, qu’il y aura des troubles, et l’essentiel est de ne pas rater ce moment.
Tchabor, un volontaire biélorusseà franceinfo
Le jeune homme reste très pessimiste sur l’avenir de la Biélorussie, dont le régime s’est selon lui corrompu en participant aux côté de Moscou à l’offensive en Ukraine. "Je pense que l’occupation de la Biélarussie par la Russie est inévitable, explique-t-il. De quelle façon cela va se faire, je ne sais pas. Peut-être par référendum, comme en Crimée. Un référendum qui sera truqué, évidemment !"
Le commandant de cette unité, Valery Sakhashchyk, joint par téléphone, dit sincèrement espérer que la Biélorussie évitera une guerre civile. Mais en attendant, dit-il, "Nous sommes obligés de constituer cette force armée. Pour pouvoir peser un jour dans le dialogue de l’après-Loukachenko."
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