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Enquête
JO 2024 : comment les migrants à la rue sont évacués de Paris vers des "sas d'accueil temporaires régionaux"
L'État est il vraiment en train de faire place nette dans les rues de Paris avant les Jeux olympiques ? C'est ce que dénoncent certaines associations, alors que 1 600 migrants ont été dirigés vers d'autres régions françaises depuis la mi-mars et la mise en place de ce dispositif lancé il y a tout juste six mois.
Depuis le mois d'avril, à chaque fois que l'Etat évacue un campement ou un squat en région parisienne, des bus partent dans d'autres villes françaises. Mardi 12 septembre, au métro Stalingrad, 6 heures du matin : plusieurs centaines de migrants sont évacués et ceux qui le souhaitent peuvent aller à Bordeaux ou à Marseille. Un bénévole de France Terre d'asile qui parle afghan l'explique, au mégaphone. Une fonctionnaire de la préfecture s'assure que tous sont bien volontaires. Tout va très vite. En une demi-heure, les deux bus sont remplis d'hommes seuls qui partent avec un petit sac à dos, sans trop savoir à quoi s'attendre. Pierre Alauzy est coordinateur chez Médecins du monde : "En vrai, ça ne vaut pas beaucoup mieux que détruire des favelas au Brésil avant les JO, que dégager des précaires à Londres ou à Moscou. Nous, on est convaincus que ce dispositif a été créé pour les JO et que le but, c'est de sortir de Paris un maximum de personnes considérées comme indésirables par l'Etat et de les envoyer en région."
"Un choix qu'on leur propose", assure le ministère
Dans dix régions, toutes sauf l'Île-de-France, les Hauts-de-France et la Corse, il y a des "sas d'accueil temporaires régionaux". C'est le ministère du Logement qui communique sur ce sujet. Ce dispositif n'est "clairement pas lié aux JO", assure Georges Bos, directeur du pôle migrants et réfugiés à la Délégation interministérielle à l'hébergement et au logement. Lui explique que les conditions de vie dans ces squats franciliens sont indignes et que le gouvernement veut simplement donner plus de chances à ces étrangers. "L'objectif, c'est effectivement qu'ils puissent construire une vie à Bordeaux ou à Marseille, c'est-à-dire là où ils ont été envoyés. C'est d'ailleurs un choix qu'on leur propose. Enfin, ils peuvent déposer un dossier. Enfin, ils sont hébergés, alors qu'ils quittent Paris où ils étaient dans la rue."
Au total, selon nos informations, 1 600 personnes ont été évacuées ces six derniers mois de Paris pour aller dans ces "sas régionaux". Nous avons suivi ces migrants évacués de Paris vers le sas de Bordeaux. Cinquante personnes viennent ici chaque mois, dans un ancien collège. Elles restent trois semaines maximum, libres d'aller et venir. Elles vivent et dorment dans des salles de classe reconverties en dortoirs. "Moi, je voulais habiter ici pour rechercher du travail et pour trouver un hébergement, explique un jeune migrant. À Paris, il n'y a pas de solution. À Paris, il n'y a pas les aides, les assistantes sociales, parce que là-bas, il y a beaucoup de monde."
Six travailleurs sociaux travaillent ici, comme Julie Trouvé, qui tente d'aider ces migrants qui sont sans-papiers, demandeurs d'asile ou qui ont déjà obtenu le statut de réfugié. "Ils sont là pour trois semaines et, du coup, pendant ces trois semaines, on va pouvoir s'occuper de chacune des personnes, alors que sur Paris, beaucoup ne voient pas de travailleurs sociaux, ils sont livrés à eux-mêmes. On a le temps, on est là pour ça, et avec eux. On essaie au mieux, même s'il y a des situations qu'on ne peut pas débloquer."
Des capacités d'accueil saturées
A l'issue de ces trois semaines, certains de ces migrants vont dans des centres pour demandeurs d'asile, d'autres, très peu, trouvent des logements. En fait, deux points posent problème. D'abord, une grande partie s'évapore, ne reste pas dans le dispositif : 40% à Bordeaux partent sans que l'on sache ce qu'ils deviennent. C'est 20% au niveau national. Des personnes qui, selon la préfecture et les associations, retournent très certainement à Paris où ils ont des connaissances et des opportunités de travail au noir. L'autre problème que soulèvent les élus locaux, c'est que plus de la moitié de ces migrants, une fois qu'ils sont partis du sas, se retrouvent dans des centres d'hébergement d'urgence, dans des villes déjà saturées. Harmonie Lecerf-Meunier est adjointe écologiste à la mairie de Bordeaux, en charge des solidarités. "À Bordeaux, on est saturés, sur-saturés... Des associations ont fait une étude avec huissier : pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, ils ont suivi avec un huissier des maraudes. À chaque appel du 115, ils avaient 100% de réponse : 'Nous n'avons pas de places'. On a des familles à la rue, on a des enfants à la rue, on a des bidonvilles, des squats. De toute façon, à Bordeaux, on ne peut pas accueillir plus de personnes."
Toutes ces villes concernées, tout comme les associations, sont favorables à la solidarité des territoires. Mais elles demandent au gouvernement de créer des places d'hébergement d'urgence, au risque de déplacer un problème de Paris vers les autres villes françaises.
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