En Chine, après la fin du Covid, des anciens centres de quarantaine sont transformés en logements à bas prix

Que faire des anciens centres de quarantaine et hôpitaux provisoires construits pendant la pandémie dans toute la Chine ? À Pékin, un immense complexe a été transformé en logements pour des populations à bas revenus. Le projet rencontre un gros succès.
Article rédigé par Sébastien Berriot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
C'est ancien centre covid à Pékin avec ses 5000 chambres a été transformé en complexe résidentiel, avec des logements proposé à la location. (Sébastien Berriot)

Ils avaient fait la une des journaux pendant l'épidémie de Covid-19 : des centaines de centres de quarantaine et d'hôpitaux provisoires avaient été construits dans toute la Chine, dans le cadre de la stricte politique sanitaire appliquée par le régime communiste. Certains de ces centres n’ont servi que quelques mois, avant d’être définitivement fermés en décembre 2022 et laissés pour la plupart à l'abandon. Ce gâchis a commencé à faire réfléchir certaines municipalités, comme à Pékin, où l’un de sites médicalisés a été reconverti il y a quelques semaines en appartements, proposés à la location.

Première constatation : les traces des anciennes restrictions n’ont pas totalement disparu. Les accès sont contrôlés par des gardes et des barbelés entourent toujours cet immense complexe qui compte plusieurs dizaines de bâtiments à deux étages, tout neufs, avec à l’intérieur 5000 chambres où les malades du Covid étaient enfermés. Cette reconversion rencontre un certain succès. Les visites s’enchaînent. Ce jeune homme, par exemple, est venu se renseigner avec sa petite amie : "Un ami m’a parlé de cet endroit, il m’a dit que la résidence est tranquille et pas chère. C’est pour ça que nous sommes venus aujourd’hui. Ah bon ? Vous me dites que c’était un centre de confinement avant. Je ne savais pas. Je vais voir à l’intérieur. Mais ça m’embête un peu."

"Tous les gens qui habitent ici le savent"

À l’intérieur du complexe, on voit que de nombreuses chambres sont déjà occupées, comme, par exemple, par la famille de ce chauffeur de taxi. C’est sa femme qui l'explique : "On sait bien que c’étaient des chambres de confinement. Tous les gens qui habitent ici le savent. Mais c’est bien. Il y a un frigo, une machine à laver, des toilettes, avec aussi des meubles, un canapé et la télé. On a une surface de plus de 20 m2. Pour nous, travailleurs migrants, c’est très bien avec un loyer de seulement 154 euros par mois. Nous avons signé un contrat d’un an et le treizième mois est gratuit. Il y a beaucoup de résidents, surtout des jeunes."

Si ces reconversions rencontrent un succès, c’est aussi parce que la Chine est touchée par une crise immobilière sans précédent. Les Chinois les plus modestes n’arrivent plus à se loger et les anciens centres de quarantaine permettent d’avoir des loyers particulièrement attractifs. Même si, sur le papier, ce n’est pas forcément très agréable de vivre dans des chambres conçues un petit peu comme des cellules de prison, c’est le prix qui a attiré ce jeune comptable : "Ce n’est vraiment pas cher pour Pékin. Jamais on n’aurait pu trouver une chambre comme ça ailleurs, avec un loyer aussi bas. Ou bien on aurait du la partager avec quelqu'un d'autre. Et je ne pense pas au fait que c’était un centre pour le Covid. Je m’en fiche. Les chambres ont été désinfectées de toute façon avant l’ouverture. Et je n’ai pas la capacité de payer un appartement plus cher."

 Les agences immobilières confirment que dans un contexte de crise, les anciens centres de quarantaine répondent à un vrai besoin, analyse cette employée d’une agence pékinoise. "Les appartements que nous montrons à nos clients ici à Pékin sont des studios de 40 m2, loués à plus de 1000 euros par mois."

"Avec ce projet, le gouvernement a fait économiser beaucoup d'argent aux personnes à bas salaires, en particulier ceux qui viennent des provinces. Je trouve que ce projet est bien, on va pouvoir le reproduire dans d'autres grandes villes. Ce type d'appartements est populaire et se loue rapidement."

Une employée d'une agence immobilière de Pékin

à franceinfo

Pour les autorités, c’est aussi une manière de rentabiliser tout ce qui a été dépensé pendant le covid. Pour construire tous ces centres d’enfermement et ces hôpitaux provisoires, les collectivités, provinces et municipalités, se sont endettées.

"Utiliser pleinement toutes les ressources investies pendant l’épidémie"

Cette reconversion est donc logique assure ce locataire qui a été l’un des tout premiers à s’installer dans l'ancien centre Covid : " Il faut que ce site soit utilisé car pour construire ce centre provisoire, avec un hôpital, le gouvernement a déployé à l’époque beaucoup d'efforts, des ressources financières et humaines importantes. J’ai vu de mes propres yeux quand les bâtiments ont été construits. Je me souviens que, là-bas, il y avait des cabines de dépistage. Les ouvriers ont travaillé nuit et jour pour les construire en mai 2022. Un mois plus tard, toute la résidence était achevée. Aujourd’hui, l’épidémie est derrière nous. Ce ne serait pas bien de laisser tout ça à l’abandon. Aujourd’hui, grâce à la location, le gouvernement local en profiteCa permet de faire des bénéfices. Nous devons utiliser pleinement toutes ces ressources investies pendant l’épidémie."

D'autres villes chinoises ont suivi l'exemple de Pékin, mais aussi Hong Kong, où un immense centre Covid est désormais utilisé pour loger des ouvriers. Avec un objectif pour le territoire : récupérer de l’argent, résume Bernadette Linn Hon-ho, secrétaire au développement au sein du gouvernement local de  Hong Kong. "Il y a plus de 2000 chambres-dortoirs ici. Ça veut dire qu’on peut accueillir 8000 personnes. Nous allons installer des salles d'activités, des endroits pour cuisiner. Le plus important, c'est que nous allons toucher des loyers. Le coût de fabrication n'est donc pas un problème pour nous, car nous allons recevoir des loyers."

Dans d’autres villes, les anciens vestiges de la politique "zéro Covid" restent abandonnés. C’est le cas de l’un des plus gros centres de quarantaine construit pendant l’épidémie dans la banlieue de Canton. Selon nos informations, le site de presque 22 000 chambres est aujourd’hui toujours totalement fermé et inutilisé.

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