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Première Guerre mondiale : à la recherche des soldats allemands emmurés dans le tunnel de Winterberg lors de la bataille du Chemin des Dames

Une centaine de soldats ont péri dans le tunnel de Winterberg lors de la bataille du Chemin des Dames. Une opération de forage dans la forêt de Craonne (Aisne) a été lancée par un organisme allemand. Les fouilles ont pris fin jeudi.

Article rédigé par franceinfo, Alain Gastal
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une des foreuses pour les fouilles du tunnel de Winterberg, situé dans la forêt de Craonne dans l'Aisne, le 2 mai 2022. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Il s'agit d'un épisode de la fameuse bataille du Chemin des Dames, lors de la Première Guerre mondiale, début mai 1917 dans l'Aisne. Après un tir d'artillerie, des dizaines de soldats allemands sont emmurés vivants dans le tunnel qui leur servait d’abri et qui s'effondre sur eux. La plupart ne pourront jamais en sortir. Cent cinq ans plus tard, l'Office allemand des sépultures militaires a cherché et a trouvé la trace de ce tunnel enseveli qui leur sert de tombeau et où les noms de ceux qui sont morts la pourront être gravés. La fin de ces fouilles avait lieu jeudi 5 mai.

Nous arpentons un chemin forestier bercé par le chant des oiseaux. Aujourd'hui, Il s'agit d'un arboretum, il y a 110 ans c’était encore une ville : Craonne. Elle a été occupée dès 1914 par les Allemands et a été anéantie par les tirs d’artillerie. En ce début mai 1917, le général Nivelle prépare une nouvelle offensive pour déloger les Allemands de ce plateau qui domine toute la région. "Les Allemands l'appelaient le Winterberg, en référence certainement à une montagne de la petite Suisse en Saxe qui ressemble beaucoup à ce plateau, indique Franck Viltart est le directeur de la Caverne du Dragon, le musée du Chemin des Dames. Le 5 mai 1917, le 18e régiment d'infanterie, un régiment du Sud-Ouest, attaque. Les pertes seront terribles pour ce régiment pour prendre ce rebord du plateau mais ils ne pourront que s'accrocher au rebord. Le côté nord restera encore côté allemand, là où se trouve l'entrée du tunnel."

Missions accomplies

Quelques centaines de mètres plus hauts, on trouve le tunnel du Winterberg touché par un obus qui a frappé un dépôt de munitions la veille de l’offensive. Depuis entre 70 et 150 soldats allemands sont restés prisonnier et jeudi on a trouvé enfin une trace de ce tunnel en fait plutôt une galerie de 200 m dont il ne reste qu’une petite partie. "En partant du bas de la colline on a commencé par un perçage horizontale qui faisait 60 m de long à peu près pour détecter la cavité, explique Thomas Schock, chargé des excavations à l'Office allemand des sépultures militaires. C'est une machine un peu identique à celles utilisées pour chercher du pétrole et ici comme c'est du sable cela s'est relativement bien passé."

Les techniciens de l'Office allemand des sépultures militaires introduisent leur mini camera dans un forage pour découvrir 16 m plus bas des traces d étayage du tunnel du Winterberg, le 4 mai 2022.
 (ALAIN GASTAL / RADIO FRANCE)

Après quatre jours de sondages et de forages la mini-camera glissée à 16 m de profondeur permet de distinguer ce qui ressemble à un étayage de tunnel bien que la partie sauvegardée de l'étayage soit noyée dans une eau trouble et qu'il ne s'agisse que d'une petite partie du tunnel qui faisait environ 200 m.

Mais surprise, on n’ira pas plus loin. Arne Schrader, le directeur des fouilles à l'Office allemand des sépultures militaires, a décidé d’arrêter là pour l'instant : "Notre mission était de savoir si ce tunnel existait encore. Nous savons maintenant, avec une très grande probabilité, que ce tunnel existe. La deuxième mission était de vérifier si le tunnel peut être accessible par des pilleurs de tombes et on peut affirmer qu'un pilleur de tombes ne pourra jamais accéder aux morts. Bien sûr, on aurait aimé pouvoir voir à l'intérieur du tunnel, cela n'a pas été possible mais nous savons que les morts sont en sécurité."

Des récits "terribles"

Protéger la sépulture des morts est le but principal des Allemands. On sent que côté français on voudrait aller plus loin. En attendant, pour en savoir plus sur l’agonie des soldats pris au piège il reste le récit des historiens et quelques lettres arrivées jusqu’à nous. "Il y avait un air vicié qui empêchait la respiration, raconte Franck Viltart. En plus, il y avait les putréfactions car on restait là des jours et des jours. C'était des odeurs terribles dans des milieux très petits parce que le tunnel du Winterberg c'est même pas deux mètres entre chaque paroi, c'est très étroit. Quand on imagine que l'entrée s'est effondrée, c'est terrible, parce que vous savez que vous n'avez plus que quelques heures d'oxygène devant vous."

"On a les témoignages des soldats qui voient leurs camarades blessés s'éteindre. D'autres soldats essayent de passer à tout prix par des sorties, et essayer de remonter, de gratter par des échelles qui retombent, c'est absolument effrayant. Il y a des récits aussi qui expliquent, qu'à la fin, certain n'ont pas pu supporter, ils ont dû se suicider à l'intérieur du tunnel."

Franck Viltart, responsable de la Caverne du Dragon

à franceinfo

Une exposition rassemblant tous les objets trouvés autour du tunnel sera visible à Karlsruhe et au musée du Chemin des Dames à la Caverne du Dragon.

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