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Camaïeu, Gap, Go Sport, Galeries Lafayette ... L'empire de l'homme d'affaires Michel Ohayon dans la tourmente

Depuis le placement en liquidation judiciaire de l'enseigne Camaïeu en septembre 2022, d'autres sont menacées : Go Sport, Gap ou encore les Galeries Lafayette. Toutes sont détenues par l'homme d'affaires Michel Ohayon. 

Article rédigé par franceinfo - Louise Buyens
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un magasin Go Sport à Paris, le 23 décembre 2022. (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

Michel Ohayon est à la tête d'un véritable empire. L'homme d'affaire bordelais, aujourd'hui âgé de 61 ans, démarre dans l'immobilier dans les années 1990 avant de se lancer dans le commerce. En quelques années, il rachète de nombreuses enseignes à bas prix, parfois un euro symbolique, avec l'objectif de les redresser. Mais depuis quelques mois, la tendance s'inverse : Go Sport, les Galeries Lafayette ... risquent de mettre la clé sous la porte.

Clémentine* travaille dans un magasin Gap du sud de la France. Cette salariée raconte que la boutique n'arrive même plus à payer les factures EDF. "Depuis le mois d'août, nous n'avons plus ni de clim' ni de chauffage. Depuis deux mois, nous n'avons plus de téléphone pour communiquer avec l'extérieur, vu que les factures ne sont visiblement pas réglées en temps et en heure. Nous n'avons plus de livraisons depuis la semaine dernière. Est-ce que ça va s'arranger, est-ce qu'on va fermer dans pas longtemps ?", s'interroge-t-elle. 

"On n'a aucune réponse, on nous laisse tout seuls et c'est très stressant et angoissant."

Clémentine, salariée chez Gap

à franceinfo

À 60 ans, dont 24 passés chez Gap, Clémentine a très peur de perdre son travail ... et elle n'est pas la seule. Les salariés de Go Sport sont dans le même bateau : les deux enseignes ont été placées en redressement judiciaire en janvier 2023. Sauf si un repreneur se manifeste, ce qui n'est pas le cas pour l'instant, quelque 2 500 personnes se retrouveront au chômage.

La crainte du chômage pour les employés

Pourtant, lorsque Michel Ohayon rachète Go Sport, puis Gap, en 2021, il promet de faire repartir les ventes. Les tribunaux de commerce lui font confiance, comme les salariés qui voient en lui un sauveur. Aujourd'hui, Clémentine regrette : "Je suis très en colère, il nous a tellement promis la lune, qu'il allait réparer les magasins, nous acheter plus de collections ... Au final, on est encore plus bas, on va être licencié au ras des pâquerettes", gronde-t-elle. 

Si les salariés sont inquiets, c'est parce que 2 600 employés de Camaïeu, autre enseigne détenue par Michel Ohayon, ont été licenciés en septembre 2022. Parmi eux, Laurent Gunst. Il était au tribunal de commerce de Lille lorsque la liquidation de l'enseigne a été prononcée ... comme Michel Ohayon. "Il avait l'air distant, sans aucune remise en cause de ce qu'il venait de faire aux salariés de Camaïeu, estime cet ex-employé de 51 ans. Je lui reproche de ne pas avoir tenu ses promesses, de ne pas avoir investi ce qu'il a dit qu'il allait investir dans la société, et d'avoir été plus intéressé par l'immobilier de la société que par la marque et ses salariés."

Les affaires de Michel Ohayon intéressent aussi la justice. Une enquête a été ouverte pour "abus de bien social" contre la maison-mère de toutes les enseignes détenues par l'homme d'affaires. 

Projet immobilier à l'arrêt 

De plus, ses investissements immobiliers, qui ont permis à Michel Ohayon de construire son empire, sont aussi en difficulté. Marjorie Ledoux l'a appris à ses dépens. En 2018, elle signe sur plan pour acheter un appartement haut de gamme, avec gardien, piscine et salle de sport, dans une résidence située dans le 8e arrondissement de Marseille. Un chantier d'abord très en retard, puis complètement à l'arrêt depuis plus d'un an. "J'ai fait un déni, raconte Marjorie Ledoux. J'habite là, je passe tous les jours devant mais je ne le regarde plus, j'essaie de faire en sorte que ça me pollue le moins possible, puisqu'on a l'impression d'avoir sa vie prise en otage." 

"Toute ma capacité d'investissement est là-dedans ... 280 000 euros !"

Marjorie Ledoux

à franceinfo

La propriétaire a déjà payé 90% de cette somme, pour ce qui devait être un nouveau départ avec son fils, après son divorce. Un rêve brisé, dont elle tient Michel Ohayon pour responsable : "C'est un financier, donc il peut jouer avec d'autres financiers, mais là il joue avec la vie de gens et avec toutes nos économies pour certains, toute notre capacité d'endettement pour d'autres... Et c'est ça que je trouve profondément injuste et inacceptable", gronde-t-elle. Comme Marjorie Ledoux, environ 80 co-propriétaires sont dans la même situation, et une procédure judiciaire est en cours.

Dernière victime en date de cette dégringolade : la holding qui gère les trois hôtels de luxe de Michel Ohayon à Bordeaux, Versailles et à l'aéroport parisien de Roissy-Charles de Gaulle, récemment placée en redressement judiciaire. Contacté par franceinfo, l'homme d'affaires a expliqué via son directeur de communication prévoir de s'exprimer prochainement, et qu'il ne souhaitait faire aucun commentaire à l'heure actuelle. 

*Le prénom a été modifié 

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