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A Issoudun, l’héritage d’un riche habitant mort en 1883 sans descendance soulage le quotidien de familles défavorisées de la ville

Chaque année, à Issoudun, en région Centre- Val de Loire, trois familles choisies sur critères sociaux reçoivent une petite partie de l’héritage d’un riche bourgeois de la ville sans descendance, conformément à ses dernières volontés exprimées il y a plus d'un siècle.
Article rédigé par franceinfo - Marie Maheux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les lauréates de cette année avec le maire et des élus. (MARIE MAHEUX / RADIO FRANCE)

En 1883, à Issoudun, en région Centre-Val-de-Loire, meurt François Mousnier, riche bourgeois de la ville. Sans descendance, l’homme laisse comme instruction dans son testament de donner chaque année un legs à trois familles de la ville dans le besoin. Le partage du legs entre les familles défavorisées a commencé cinq ans plus tard, en 1888, et cela fait désormais près de 140 ans que cela dure : ce week-end d’avril 2024, d’ailleurs, trois nouvelles familles ont été choisies.

Pour certaines, c'est au saut du lit qu'elles ont appris la nouvelle, par une lettre, apportée par un officier de gendarmerie, qui annonce à cette mère célibataire et ses deux filles de sept et cinq ans qu'elles vont recevoir 11 000 euros. Sur le pas de sa porte, un petit appartement en bordure de ville, Lisa n'en revient pas : "Je suis très surprise, je ne me rends pas trop compte, je crois...", sourit-elle, émue.

Une aide pour changer la voiture, indispensable pour une maman seule

A peine le temps de réaliser, direction la mairie où vont se retrouver tous les lauréats. Grâce à cet argent, Lisa va pouvoir changer sa voiture grâce à cet argent : "Elle est très très abîmée, explique-t-elle. Elle sort du garage et j'en ai déjà eu pour 500 euros. Une somme que, forcément, je n'ai pas fini de payer."

Entre l'inflation et son mi-temps, dans une usine de bâche d'Issoudun, il est difficile pour cette mère de famille de 47 ans de joindre les deux bouts. "C'est très compliqué de trouver un emploi en journée : quand on est toute seule, faire les deux-huit, ce n'est pas possible avec les enfants."

"Trouver des nourrices de nuit, j'y passerai mon salaire. Donc sans voiture, malheureusement, je ne fais plus rien."

Lisa

à franceinfo

Alors même si elle aurait rêvé de faire un beau voyage, ou d'améliorer le quotidien, dans ce contexte, ce legs est un soulagement pour Lisa.

Toutes ces familles habitent Issoudun et sont de condition modeste : chacune d’entre elles a dû remplir un dossier, en mentionnant son quotient familial, ses revenus, si elle est locataire ou propriétaire de son logement. Un jury composé des membres du conseil municipal, mais aussi de douze commerçants et artisans, ont voté pour répartir l'argent de ce legs qui remonte à plus d'un siècle, explique André Laignel, le maire PS de la ville, qu'il dirige depuis 46 ans : "C'est un legs qui a fait que la ville est propriétaire de plusieurs centaines d'hectares de forêts et de deux fermes. Ce sont les revenus des ventes de bois et des locataires qui permet d'alimenter le legs."

Les familles ont touché en moyenne 11 000 euros en moyenne ces dernières années. Une somme particulièrement précieuse en cette période de hausse des prix. "Pour un bon tiers des familles à Issoudun, ajoute le maire, la fin du mois, ce n'est pas le 30 ou le 31. Avant, c'était le 25. Et maintenant, il y en a pour qui cela commence dès le quinze. Nous le voyons au niveau du centre municipal d'action sociale ou de l'épicerie solidaire où, sur les six derniers mois, on a eu autour de 25% d'augmentation des visites."

Autrefois, seuls les pères de famille pouvaient être choisis

Mais si le nombre de dossiers pour toucher ce legs déposés cette année, 53, a explosé par rapport aux quinze de l'année dernière, c'est surtout parce que la mairie a fait sauter l'une des conditions : "Il fallait auparavant choisir le père de famille considéré comme 'le plus probe et le plus vertueux', indique André Laignel. Le legs, datant du temps du patriarcat, faisait que seules les familles ayant un homme à leur tête pouvaient en bénéficier. Il y a trois ans, j'ai introduit une demande de révision : cela a pris un peu de temps, mais nous avons enfin obtenu que le testament soit ainsi modifié et nous permette de faire que toutes les familles puissent en bénéficier."

Cette année, ce sont donc uniquement des femmes qui ont été choisies : elles se sont rencontrées juste après avoir appris la bonne nouvelle. "C'est une fierté, leur a dit le maire. L'égalité ne doit pas être seulement un slogan." Pour Déborah, l'une des gagnantes, ouvrir ce legs aux femmes est une manière de rattraper enfin l'histoire : "Il y a beaucoup de familles monoparentales et je pense que c'était compliqué pour ces femmes-là qui ne pouvaient pas faire des demandes, sachant qu'elles ont aussi des besoins spécifiques. Le fait d'avoir ouvert ça aux femmes, cela a permis d'élargir à beaucoup d'autres personnes."

Cette mère de deux enfants, dont une petite fille de dix ans qui souffre de troubles du spectre autistique, utilisera cet argent pour monter une micro crèche spécialisée à Issoudun. Et, dit-elle, mettre aussi un peu de beurre dans les épinards.

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