"Immigration choisie" : le débat maudit, qui divise jusque dans la majorité
François Bayrou veut faire venir en France des étrangers, pour rééquilibrer notre démographie. Une proposition loin de faire consensus.
"Accueillir des personnes d’autres pays", c’est l’une des solutions préconisées diffusée samedi 15 mai par François Bayrou pour sauver le modèle social français. C’est bien d’immigration économique que parle le haut-commissaire au Plan, et ça ne fait pas l’unanimité dans la majorité.
Souvenez-vous, en novembre 2019, Édouard Philippe, alors Premier ministre, annonçait vouloir instaurer des quotas en matière d'"immigration professionnelle". Et puis l'épidémie de Covid-19 a relégué le sujet au second plan. En décembre dernier, un débat sur l’immigration devait avoir lieu au Parlement. Et puis à nouveau, l'agenda a été bousculé par la crise sanitaire… Le Parlement avait finalement discuté de la stratégie vaccinale de l’exécutif. Depuis, silence radio.
Autant dire que la proposition de François Bayrou s’apparente à un pavé dans la mare. D’autant que le président du MoDem n’a prévenu ni les députés de la majorité, ni son allié La République en marche (LREM) avant d’adresser ses préconisations à la presse. "L’apport des migrations peut aider à améliorer le rapport actifs-retraités", écrit François Bayrou, qui s'alarme d'une faible vitalité démographique – nous faisons moins d'enfants – qui menace le système social.
Ce dernier repose sur la solidarité entre générations : les actifs d'aujourd'hui cotisent pour les plus âgés. Vous ne mettez pas d’argent de côté pour votre retraite à vous, vous payez pour ceux qui sont à la retraite aujourd’hui. Et la vôtre sera financée par les actifs de demain. S'il y a moins de naissances, il faut donc aller chercher "des bras" ailleurs.
Un débat sensible à la veille d'élections
À LREM, on souscrit au constat. "Même à 4 ou 5% de chômage, le volume de cotisations reste insuffisant pour financer les retraites ou la réforme de l’autonomie", note un député favorable à une réforme de l’immigration économique. Pour ce dernier, deux secteurs – les services à la personne et le bâtiment – vont "nécessiter un surcroît de main d’œuvre énorme", avec des métiers peu désirables, "mal payés, avec des perspectives de carrière dures".
"Le sujet a une très grande écoute dans la majorité", dit aussi un historique de la Macronie, mais d’autres mettent en garde contre un débat inflammable en période d’élections, d'autant que Marine Le Pen est donnée haut dans les sondages. "Le débat n’ira pas sur l’immigration heureuse", prédit une Marcheuse, qui pressent que les reconduites à la frontière et l’assimilation culturelle domineront les échanges, au détriment du droit d’asile ou l’intégration économique.
La même s’attend à "un débat public très dur" sur le sujet, quand d’autres veulent croire qu’il existe une voie de passage. "Les électeurs du Rassemblement national sont dérangés par l’immigré qui touche les aides sociales, pas par le médecin ou par celui qui fait les métiers que personne ne veut plus faire", assure un parlementaire écouté. Comme souvent, ce sera à l’Élysée de trancher en dernier ressort. Seule certitude : "La reprogrammation du débat sur l’immigration n’est pas prévue à ce stade", nous confie, un peu gêné, un ministre.
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