Le Liberia s’apprête à concéder 10% de ses terres à une société des Émirats arabes unis qui veut récupérer des "crédits carbone"

Ce pays africain très peu émetteur de gaz à effet de serre laisserait à Blue Carbon le soin de gérer, pendant 30 ans, les crédits carbone liés à un million d'hectare de forêt. Les ONG s'inquiètent.
Article rédigé par franceinfo, Bérengère Bonte
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un carrefour de Monrovia, la capitale du Liberia. (CARIELLE DOE / AFP)

C'est le journal Le Monde qui a donné, jeudi 3 août, un écho au cri d'alarme de ces associations passé presque inaperçu en juillet. Le contrat serait sur le point d'être signé, pour 30 ans, entre le ministère des Finances libérien et une société, Blue Carbon, fondée par un membre de la famille régnante à Dubaï. L'entreprise émiratie souhaite les droits sur un million d'hectares de forêts, sur lesquels elle mènera des projets de lutte contre la déforestation. En échange de quoi, elle obtiendra ces "crédits carbone" attribués par l'ONU qu’elle pourrait vendre – au nom du Liberia - à d’autres États qui peinent à satisfaire leurs engagements internationaux sur le climat.

Ce qui inquiète les ONG, c’est que les villageois n'aient pas été concertés. Bien souvent, ces parcelles de forêt sont leur potager, leur unique moyen de subsistance. Depuis 2018, une loi sur les droits fonciers est d'ailleurs censée les protéger de toute tentative d'accaparement. Autre motif d’inquiétude : la trop maigre contrepartie financière. Pour chaque tonne de carbone évitée à l'atmosphère, Blue Carbon récupèrera un "crédit" qui, s'il vaut par exemple 10€ sur le marché, permettra au Liberia d'en récupérer 10% donc 1€. Sur cet euro : la moitié, 50 centimes en tout et pour tout, indemnisera les populations.

 La crainte est aussi que ça ne change pas grand-chose pour le climat, crainte qui entourait déjà ce "marché des crédits carbone" quand il a été acté à la COP de Paris en 2015. Les premières études sur ces crédits carbone le confirment. Ce sont les pays souvent pauvres et très peu émetteurs de gaz à effet de serre qui permettent aux plus pollueurs de s'offrir du temps pour continuer à polluer et donc le gain pour le climat est faible. Deux chiffres sont très éloquents : un libérien émet 0,23 tonne de carbone par an. Un émirati : 23 tonnes, 100 fois plus.

Certes les Émirats ne sont pas directement signataires du contrat avec le Liberia puisque c'est Blue Carbon mais on notera que la famille royale émirati a fondé cette société pile un an avant la COP 28 prévue en novembre chez elle, aux Émirats, aujourd'hui hutième producteur de pétrole et 15e pour le gaz. À noter que Blue Carbon discute aussi avec la Tanzanie et la Zambie pour le même genre de contrat sur huit millions d'hectarechacun cette fois, huit fois plus que pour le Liberia.

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