Voilà pourquoi nous clignons des yeux
Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous explique aujourd'hui que l’on a compris pourquoi nous clignons tant des yeux...
franceinfo : Expliquez-nous Hervé, on croyait que le clignement des yeux était nécessaire seulement pour la lubrification du globle oculaire ?
Hervé Poirier : L’expérience a été menée dans un laboratoire américain. Des volontaires regardent des images constituées de toutes petites rayures obliques, blanches et noires, et disent si celles-ci lui semblent inclinées vers la gauche ou vers la droite. Et ils doivent cligner des yeux, soit pendant l’observation, soit juste avant.
Résultat : leur succès augmente significativement si les paupières clignent pendant l’observation, que ce soit par réflexe ou volontairement. Contrairement à ce que l’on pensait, le clignement joue donc en fait un rôle dans le traitement des informations visuelles.
On ferme les yeux pour mieux voir, c’est un peu contradictoire ?
Jusqu’ici, on pensait qu’on clignait des yeux pour lubrifier le globe oculaire – une sorte d’entretien mécanique anodin. Le plus souvent, on ne s’en rend d’ailleurs pas compte, car notre cerveau reconstitue la scène oblitérée.
On se doutait cependant qu’il devait y avoir autre chose, car on cligne plus souvent que nécessaire à cette lubrification. Les clignements peuvent se répéter jusqu’à 20 fois par minute, et durer jusqu’à 300 millisecondes : au global, on passe jusqu’à 10% du temps éveillé, à avoir les yeux fermés.
Avec cette expérience, on comprend mieux pourquoi. Le suivi oculaire à haute résolution montre que le clignement raccourcit de 15% le temps d’exposition au stimulus. Mais, d’après l'analyse spectrale des signaux visuels, les modulations de luminance, produites par ce clignement, augmentent la puissance des signaux entrants, de plus de 20%, lorsque la paupière se rouvre. Bref, en clignant des yeux, on voit moins longtemps, mais on voit mieux.
Qu’est-ce qui se passe exactement quand on cligne des yeux ?
Les neurones de la rétine sont fortement sensibles aux changements de luminosité. Fermer, puis ouvrir les paupières modulent leur activité, ce qui intensifie leur sensibilité aux contrastes, et améliore la perception de la structure globale de la scène visuelle. Autrement dit, le clignement réveille le regard.
On savait déjà que notre cerveau tâche de ne pas faire cligner les yeux au mauvais moment, pour ne pas manquer des infos importantes. Il faudrait maintenant savoir si notre cerveau commande ce petit mouvement corporel, pour se focaliser justement sur des moments stratégiques. Pas impossible, car notre corps est une merveilleuse machine, avec des ressources inconscientes insoupçonnées.
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