Les bonobos coopèrent entre groupes
Entre bonobos, une coopération se met en place, qui apparaît fréquente, sans bénéfice immédiat. Une découverte sur ces grands singes montre qu'ils collaborent entre eux, quasiment comme les humains. Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine scientifique Epsiloon, revient sur cette étude qui, une fois de plus, fait descendre l’homme de son piédestal.
franceinfo : Les bonobos aussi, ces grands singes qui sont parmi nos plus proches cousins, sont capables de collaborer, de nouer des liens d’amitié, en dehors de leur groupe ?
Mathilde Fontez : En dehors de leur famille oui. Ils sont capables de nouer des relations solides, et durables, avec des voisins qui ne font pas partie de leur petite société. Oui, ça, jusque-là, on pensait que c’était le propre de l’humain.
Par exemple, le chimpanzé, notre plus proche cousin, ne noue aucune relation en dehors de son groupe : les mâles ont plutôt l’habitude de patrouiller aux frontières de leur territoire, et de lancer des attaques meurtrières quand ils rencontrent des étrangers isolés.
Et cela a été découvert chez des bonobos, dans leur milieu naturel ?
Oui, c’est ce qui rend cette étude si convaincante. Deux spécialistes, Liran Samuni et Martin Surbeck, de l'Université Harvard et du German Primate Center ont pu suivre deux groupes de 31 bonobos, dans la réserve de Kokolopori, en République démocratique du Congo. Ils ont pu documenter toutes les rencontres entre ces deux groupes, pendant deux ans.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont vu beaucoup d’échanges : les bonobos passent 20% de leur temps à compagnonner avec des membres de l’autre groupe. Ils voyagent ensemble, ils se reposent ensemble, ils se toilettent, ils s’échangent de la nourriture. Ils s’allient même, pour mener des attaques.
Pourquoi est-ce si surprenant ?
Parce que le bénéfice de ces relations n’a rien d’évident au départ. Bien sûr, on voit bien qu’à terme, avec des alliés, on s’en sort mieux : en partageant la nourriture, on peut mieux lutter contre une pénurie alimentaire, par exemple. Mais lorsqu’un bonobo offre de la nourriture à un étranger au groupe, avec lequel il n’a pas de lien, rien ne dit qu’il va bénéficier du retour d’ascenseur.
Cela suppose que les bonobos sont capables de liens durables, qu’ils ont mis en place une sorte de comptabilité : celui-là m’a rendu service la dernière fois, je vais aller vers lui. Bref, ils sont capables d’accumuler des connaissances sociales de haut niveau, au-delà de leur groupe, comme nous. D’ailleurs, cela pourrait être une piste pour comprendre comment tout a commencé : comment nous avons évolué, nous, vers cette société complexe.
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