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Quand un responsable politique et un journaliste débattent sur Marseille

Comment Marseille est-elle devenue la capitale du crime alors qu'elle voulait apparaître comme capitale de la culture cette année ? Treize règlements de comptes mortels depuis le début de l'année, dont deux le week-end dernier. Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment enrayer la violence à Marseille. Les points de vue et les réponses de Renaud Muselier, premier vice-président de la Communauté urbaine Marseille Provence et de Xavier Monnier, rédacteur en chef de Bakchich, auteur de "Marseille ma ville" aux Editions des Arènes.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
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L'ambiance est délétère reconnaît Renaud
Muselier, mais au-delà de ce qui est dit de négatif sur Marseille, l'ancien
premier adjoint au maire tient à rappeler les aspects positifs de la ville. "Dans
le cadre de Marseille, capitale européenne de la culture, plusieurs
manifestations se sont très bien déroulées, il y a eu 300 à 400 mille personnes
dans la rue dans une ambiance festive, sans agressivité, ce qui veut dire que
le fond du problème est spécifique.
"

Mais si Marseille est sous le feu
des projecteurs, c'est que la ville souffre d'une accumulation de difficultés, c'est
l'une des villes les plus pauvres du pays et beaucoup d'habitants ont "le
sentiment d'une République qui n'assume pas ses responsabilités, ses valeurs
régaliennes et la nécessité de se débrouiller. A partir de ce moment là, on a
une mauvaise intégration, une absence de respect des valeurs, et un isolement des
jeunes dans les quartiers qui se transforment en ghettos.
"

Certaines zones ont été abandonnées

Xavier Monnier fait la même analyse
sur Marseille, capitale européenne de la culture, manifestations grâce
auxquelles les Marseillais se sont réapproprié certains quartiers de leur
ville. Cependant, certaines zones ont été complètement délaissées par l'Etat,
que le gouvernement soit de droite ou de gauche. "On a laissé des
quartiers dépérir, des populations livrées à elles-même, voire considérées
comme du bétail électoral, intéressantes que lors des élections municipales, du
pur clientélisme, sans regarder comment ces gens exerçaient leur influence dans
les quartiers.
"

Rebondissant sur cet aspect, Renaud
Muselier pointe du doigt le "système industriel de clientélisme qu'est le
système Guérini
" président du conseil général socialiste qui fait que l'élu
n'est plus un exemple pour la population. Autre difficulté politique pour la
ville, le pouvoir politique est faible. "Le maire de Marseille n'a que
deux voix d'avance au conseil municipal et le président de la communauté
urbaine, dont la ville dépend à 70% n'a qu'une majorité relative. Cela nuit au
bon fonctionnement de la cité
".

Le problème des trafics de drogue

En ce qui concerne le problème de la
drogue, Renaud Muselier s'interroge : "pourquoi les fumeurs ont le droit
d'acheter et les vendeurs n'ont pas le droit de vendre
". Selon lui, cela
fait monter les problèmes.

Les trafics de drogue ont changé de
nature analyse Xavier Monnier car les têtes de réseau sont de plus en plus
jeunes. Par ailleurs, la seule économie de ces cités vient de la drogue. "Envoyer
des policiers, c'est bien, mais il faut aussi développer ces quartiers qui ont
été laissés à l'abandon, développer les transports en commun, renvoyer l'éducation
nationale là-bas. La réponse ne peut pas être que dépressive. Il faut une vraie
volonté de développer ces quartiers qui ont été abandonnés par la ville et par
l'Etat qui a bien vu la situation se dégrader. On a laissé Marseille se
débrouiller, et avec cette faiblesse politique, on a aujourd'hui un système à
la dérive qui explose maintenant.
"

Mais comment renvoyer ces enfants,
ces jeunes à l'école ? "Il faut tout reprendre à la base. C'est un problème
d'éducation. Il faut ouvrir ces quartiers, que l'Etat républicain reprenne la
main, c'est l'école, la police, le respect. Et ça passe par carotte et bâton
".

"Les élus ne voulaient pas de la métropole" (Renaud Muselier)

Renaud Muselier pointe également un
problème politique spécifique à Marseille : la difficulté à construire la
métropole avec des élus s'arc-boutant sur leurs positions "La venue de
Jean-Marc Ayrault l'an dernier n'a eu aucune utilité si ce n'est de mettre la
métropole en place. Monsieur le Premier ministre a projeté la ville dans l'avenir
et ceci contre la totalité des élus de ce département qui ne voulaient pas de
cette réforme. Jean-Marc Ayrault et Marylise Lebranchu ont réussi à faire
passer cette décision aux forceps qui est essentiel pour l'avenir de la ville. Beaucoup
d'élus locaux ne veulent pas faire bouger les choses.
"

Ces problèmes sont à régler sur le
long terme. "Il
faut du courage politique de la part des élus nationaux et locaux pour changer les
choses
, affirme Xavier Monnier, et aussi beaucoup de patience et d'abnégations car ces quartiers, on ne
va pas les changer en 6 mois, on ne peut pas inverser la tendance en quelques
jours.
"

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