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Vincent Peillon s'est-il trompé de charte ?

Le ministre de l'Education présente lundi matin sa charte pour la laïcité dans un lycée de Seine-et-Marne. Mais ce coup de projecteur sur la laïcité est, au fond, plutôt réducteur, pour les professeurs et les personnels de l'Education nationale qui regrettent l'absence de règles écrites de bonne conduite et de respect.
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
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"Il se prend pour Jules
Ferry, mais il fait du Jack Lang
". La formule, digne d'une cour de récré, est signée Valérie Pécresse. L'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur de
Nicolas Sarkozy reconnaît quand même que l'idée de Vincent Peillon est "noble" :
mais c'est "de la jolie mousse ", dit-elle, "à l'heure où ça
coince sur les rythmes scolaires, ça ne règlera pas les problèmes
d'apprentissage et de discipline rencontrés dans les établissements
".

Ce
jugement est quand même sévère : faites un petit sondage rapide autour de
vous, bon nombre d'adolescents, y compris parmi ceux qui entrent en cycle supérieur,
n'ont parfois aucune notion précise de ce qu'est la laïcité, principe fondateur
de notre république, qui consacre la séparation stricte des religions et de
l'Etat. Le premier article de la charte rappelle d'ailleurs que la France est
"une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ". Dans
l'esprit du ministre de l'Education, l'école doit permettre l'apprentissage de
la citoyenneté et protéger les élèves de tout prosélytisme. Il y a du pain sur
la planche...

Concrètement, qu'est ce que cela va changer ?

Vincent Peillon va adresser
une circulaire à tous les recteurs et les responsables d'établissements pour
faire accrocher de manière visible cette charte en quinze points. Avec
obligation d'organiser une pédagogie autour du sujet.

Bonne chance. "Il y
aura bientôt des cours de morale, et pourquoi pas le port de la blouse
", râlent déjà
certains récalcitrants. Toute la difficulté sera de faire en sorte que les
élèves ne passent pas devant ces affiches sans y prêter attention, ce qui ne va
évidemment pas manquer de se produire.

Quel est le vrai problème de fond ? Celui de
l'interdiction du port de vêtements et de signes religieux à l'école ?

C'est un souci majeur
aujourd'hui, pudiquement relégué dans les articles 13 et 14 de la charte. Les
chefs d'établissements y sont confrontés de manière croissante. Des règles
existent déjà : l'article L 141-5-1 du code l'éducation, instauré par la
loi de 2004,  permet de prendre des
mesures disciplinaires à ce sujet si le dialogue avec l'élève et ses parents
échoue.

"L'islam radical est compliqué à gérer, les élèves voilées de la
tête au pied n'auront que faire de la charte, qui ne va pas changer notre
quotidien
", explique un proviseur de lycée classé Eclair, anciennement
ZEP. Vous y ajoutez la carte scolaire, qui favorise également les
communautarismes. Même si un rappel des principes de la laïcité est
indispensable, il risque de s'avérer insuffisant.

Vincent Peillon a eu tort de mettre sa charte en route ?

Il a bien fait ! Mais
peut-être fallait-il aller plus loin, ne pas se limiter à la seule laïcité... Nicolas
Sarkozy, en imposant la lecture de la lettre de Guy Môquet en 2007, avait
heurté la communauté éducative qui s'était sentie piégée, reprochant à l'ancien
président d'utiliser une page d'histoire à des fins idéologiques, lui qui avait
fait campagne en s'appropriant des faits de résistance.

Vincent Peillon se
situe au contraire sur le terrain des fondements de la République. Mais ce coup
de projecteur sur la laïcité est, au fond, plutôt réducteur, pour les
professeurs et les personnels de l'Education nationale qui regrettent l'absence
de règles écrites de bonne conduite et de respect dans un certain nombre d'établissements.
La laïcité place le débat dans le rapport au religieux, or l'école est trop
souvent confrontée aux incivilités et à la violence, ce que ne va pas régler la
charte. Au final, nous allons lui attribuer une note : "en bonne voie,
mais peut mieux faire
".

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