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Taxe à 75% : le gouvernement Ayrault encombré par la promesse du candidat Hollande

Le gouvernement cherche toujours la sortie sur la taxe à 75% pour les contribuables les plus riches. C'était une des idées phares de la campagne de François Hollande. Mais après la censure par le Conseil constitutionnel et l'affaire Depardieu, elle est devenue une promesse compliquée à tenir pour le gouvernement.
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Il ne manquait plus que ça : selon un sondage Ifop à paraître dans Dimanche Ouest-France, les Français seraient en train de lâcher le gouvernement sur la taxe à 75%. Du moins le soutien populaire à cette mesure estampillée "de gauche" de la campagne de François Hollande serait en train de s'éroder. 53% des sondés souhaitent qu'une telle taxation existe, contre 60% en septembre. C'est l'ultime avanie pour ce texte, retoqué par le Conseil constitutionnel pour cause de rupture de l'égalité devant l'impôt et corrodé à l'acide par le départ de Gérard Depardieu. Mais pas question de l'enterrer assure le gouvernement, démentant les informations parues hier dans la presse. Une version 2 doit voir le jour, explique le ministre de l'économie, Pierre Moscovici : "D'ici à la fin du mois de février, nous auront finalisé un mécanisme qui à la fois garde l'esprit de cette taxe, qui sera d'un montant exceptionnel, pour une durée exceptionnelle. Quelques semaines de patience, le Conseil constitutionnel a fixé des règles. Nous sommes en train de travailler, à la fois à partir de nos intentions et à partir de ces règles ".

Personne au gouvernement ne s'aventure à formuler le moindre chiffre. Le patron des députés PS, Bruno Le Roux, laisse toutefois filtrer la tendance en lâchant qu'il n'était pas un adepte du "fétichisme du taux ". Traduction, le taux pourrait être inférieur à 75%. Mais pour le président de la commission des finances de l'Assemblée, l'UMP Gilles Carrez, quelque-soit le taux retenu, le gouvernement est piégé : "Un taux à 75% va encourir les foudres du Conseil constitutionnel. Et s'ils baissent le taux, ça apportera la démonstration que ce n'était qu'une promesse de campagne et qu'en fait, les Français ont été trompés ".

Matignon, de son côté, laisse entendre que la mesure s'appliquerait par foyer, et aura effet durant deux ans maximum. Actuellement en cours de rédaction, le projet sera ensuite soumis au Conseil d'Etat, dont l'avis sera pris en compte. Et il ne fera pas l'objet d'une loi de finances rectificatives, mais examiné à l'automne, pour s'appliquer aux revenus 2013. Le taux n'est pas précisé. Mais peu importe l'arbitrage pour le député UMP Eric Woerth, ancien ministre du Budget. Le problème, ce n'est finalement pas le chiffrage mais l'idée même du projet : "Ca donne une image d'abus fiscal gigantesque. Ce qui fait que nombre de gens partent ou ont l'impression qu'ils doivent partir. Et ce ne sont pas des mauvais Français, c'est un mauvais projet. Ces 75%, pour le candidat c'était un bon marqueur, pour le président de la République, c'est un très mauvais marqueur. Je ne sais pas quelle forme ça prendra, mais à partir du moment où on a du mal à ficeler un projet, c'est que c'est un mauvais projet. C'est que ça ne va pas sur le fond ".

Mesure de gauche symbolique

Symboliquement, il serait difficile pour un gouvernement de gauche de renoncer à faire participer les plus hauts revenus en temps de crise. Un renoncement donnerait de l'écho jusqu'à l'aile gauche du PS à l'accusation de social-libéralisme lancée par Jean-Luc Mélenchon. Pour les communistes, ce serait un point de non retour, laisse entendre le député auvergnat André Chassaigne : "Ca doit arriver et ça arrivera dans la mesure où là aussi, on ne laissera pas le gouvernement seul mais il y aura une large mobilisation pour exiger cette mesure de justice fiscale, sinon ce sera encore une fois un aveu d'échec et un engagement qui n'aura pas été tenu et on finira de désespérer le peuple de France ".

En d'autre termes, ce serait vécu comme un casus belli du côté gauche et cela rendrait toute perspective d'armistice impossible avec les communistes en vue des prochaines élections qui s'annoncent dures pour les socialistes. Et ça aussi, ça pèse dans un arbitrage politique.

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