Les européennes "poubelles" de la vie politique française
Cela s'appelle mettre les
pieds dans le plat. Bernard Accoyer a provoqué un joli pataquès en déclarant
chez nos confrères du Monde que Nadine Morano n'avait rien à
faire en tant que tête de liste de l'UMP pour les européennes dans la région
Grand-Est. Tout simplement parce que pour siéger à Strasbourg, il faut de "l'assiduité "
et de la "compétence" , a plaidé le député de Haute-Savoie, qui par
la suite n'a pas retiré un mot de cette interview. "La France doit jouer
le jeu en envoyant des femmes et des hommes de niveau, bilingues, qui
s'investissent, pas des stars de plateaux TV" , a insisté l'ancien président de
l'Assemblé Nationale. Le problème de notre pays est qu'il ferait élire des
battus des législatives, de purs novices qui récupèreraient leur lot de
consolation avec les européennes.
Comment a réagi la direction de l'UMP ?
Nadine Morano a ironisé en
promettant de réviser son anglais. L'entourage de Jean-François Copé s'est dit
surpris : mais quelle mouche a piqué Bernard ! Nadine a depuis
longtemps l'ambition de siéger au Parlement européen. Quant à Arnaud Danjean,
le député sortant veut bien figurer en deuxième place, il n'y a pas de sujet.
L'ennui est que l'ex-ministre de la famille a laissé entendre qu'elle aurait
été choisie par Nicolas Sarkozy en personne.
Et c'est vrai ?
La vérité est plus subtile.
"Nadine fait le pied de grue devant les bureaux de Nicolas, rue de
Miromesnil" , explique, très agacé, un proche de l'ancien président.
"Il l'aime beaucoup, mais en aucun cas il ne tranche pour savoir qui sera
n°1 ou n°2 en Meurthe-et-Moselle. Ce n'est vraiment pas son sujet". L'affaire a provoqué la
colère de Nicolas Sarkozy, rentré furieux de Johannesburg. Celui que les médias
désignent comme candidat logique à droite en 2017, et dont la cote remonte sans
faire la moindre déclaration, a fait savoir aux intéressés qu'il ne voulait pas
être mêlé à tout ça.
Au fond, quel est le problème de ces désignations ?
Bernard Accoyer, comme
d'autres voix à l'UMP, redoutent une grande claque aux Européennes. Plus le
scrutin approche, plus les sujets d'énervement liés à Bruxelles s'accumulent :
la rigueur, la concurrence déloyale, les travailleurs détachés, les Roms, une
défense inexistante, en pleine opération centrafricaine, ou encore le bruit des tondeuses à gazon ou le volume des
chasses d'eau. L'Europe devient un repoussoir et l'UMP redoute de boire la
tasse, coincée entre des centristes qui vont faire leurs propres listes, et un
Front National qui promet l'ultime razzia. Le PS, en face, doit lui aussi
balayer devant sa porte, où la tête de liste radicale de gauche dans le
sud-ouest, Béatrice Patrie, une ex-socialiste qui a déjà siégé à Strasbourg,
est refusée par les fédérations locales. Le Parlement européen devient une
foire d'empoigne.
Ces élections vont-elles enfin compter dans la vie
politique ?
Pas nécessairement, même si
les sujets liés à Bruxelles sont déjà sur la table pour les élections
municipales de mars. Mais les bonnes vieilles habitudes vont vite reprendre
vite le dessus. Le vote des Européennes une fois achevé le 25 mai, tout le
monde oubliera 48h plus tard. Ce scrutin sert trop souvent, en France, de
poubelle des formations politiques, il permet un recyclage sélectif pour
personnalités en mal de mandat. Pas étonnant que l'Europe au final reste, à
tort, si éloignée des préoccupations des Français.
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