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La prime à la casse bretonne

"Cassez, et vous obtiendrez gain de cause". Les manifestations en Bretagne mettent à mal l'autorité de l'Etat.
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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La comparaison est dans tous
les esprits : tu brûles un portique écotaxe, et il ne se passe rien. Tu
brûles un feu, et tu trinques. Le spectacle donné depuis
plusieurs jours laisse perplexe : la destruction des quatre portiques bretons
à plus d'un demi-million d'euros pièce, et des onze bornes écotaxes, dont une
dans les Landes et l'autre dans le Nord, représente une facture d'au moins cinq
millions d'euros d'équipements publics. Le tout dans une impunité totale. Vous
avez sans doute entendu les auteurs de ces dégradations se féliciter au micro
de France Info, et s'étonner au passage de l'absence des forces de l'ordre pour
protéger ces installations particulièrement sensibles. Quand ce sont des cailleras
qui fanfaronnent devant les caméras après avoir brûlé la cité, le bon peuple
est choqué. Là, tout est normal.

Justement, la place Beauvau est montrée du doigt.

Mais que fait la
police ? Le député écologiste François de Rugy a beau de demander à Manuel
Valls de "faire respecter l'autorité de l'Etat ". Mais pour la place
Beauvau, la mission des forces de l'ordre était de contenir les casseurs de
Quimper, mais pas de protéger les portiques. "Matignon n'a pas réclamé de
dispositif particulier et Valls n'est que ministre de l'intérieur. Il n'est pas
responsable de la ligne du gouvernement, surtout pas depuis l'épisode Leonarda
",
analyse l'un de ses proches soutiens. D'où son silence persistant. Un certain
nombre de ministres et d'élus bretons avaient pourtant alerté le président et
son Premier ministre des risques de dérapages dans la région. C'est à croire
que l'exécutif a décidé de sacrifier ces portiques payés avec nos impôts, ce
qui ajoute de la gabegie à l'absurdité de la situation. Le gouvernement n'est-il tout
simplement pas en train d'abandonner l'écotaxe, face à la pression populaire.

L'occupation de la sous-préfecture de Morlaix répond à
la même logique.

Deux cents salariés de
l'entreprise de poulets Tilly-Sabco ont pu défoncer à l'aide d'un tractopelle
les grilles d'un édifice public, sans être inquiétés. Le plus troublant est que
c'est leur PDG, bonnet rouge sur la tête, qui est venu siffler la fin de la
récré, le ministre Stéphane le Foll s'étant engagé, en personne, par écrit à
défendre les aides à l'exportation à Bruxelles. Moralité : dans ce pays,
il n'y a qu'en manifestant et en cassant que tu obtiens.

Les revendications des manifestants seraient
illégitimes ?

Bien au contraire. La révolte
bretonne qui dépasse la seule écotaxe pointe le vide de l'Europe en matière
d'harmonisation fiscale et sociale. Patrons et salariés, qui ne se sentent pas
écoutés et manifestent main dans la main, démontrent que seule la violence resterait
le seul moyen de réveiller les pouvoirs publics. Mais attention : une
démocratie qui ne s'exprime que dans l'affrontement est dans l'impasse. L'absence
de réponse face aux violences marque un inquiétant affaissement de l'autorité
de l'Etat. L'ultimatum lancé aujourd'hui par les bonnets rouges va faire figure
de test. Le gouvernement est face à un risque réel de contagion de la colère
sociale au niveau national.

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